Premier film de l’histoire à avoir obtenu l’oscar du meilleur film, Les Ailes reconstitue la première guerre mondiale en y intégrant le récit de deux amis et d’un triangle amoureux.
C’est avant tout l’ambition qui frappe : par sa longueur (2h20), l’ampleur épique de ses scènes de bataille, les innovations techniques, le film n’a rien à voir avec l’idée qu’on pourrait se faire d’un cinéma muet encore balbutiant.
Nous sommes en effet dans une période de véritable effervescence, en témoigne la bande sonore ajoutée en post-production, alors que le film sort l’année de l’avènement du parlant : bombardements, rafales et moteurs d’avions viennent ainsi rehausser l’action presque constante d’un film qui joue aussi sur les effets spéciaux (assez maladroits, il faut bien reconnaître, dans les bulles de champagnes dessinées sur la pellicule lors d’une scène de beuverie), les prises de vues aériennes et des mouvements de caméras tout simplement fantastiques : le travelling avant permettant de passer entre tous les convives n’a rien à envier avec la virtuosité qu’on prêtera 60 ans plus tard à Martin Scorsese…
La romance teintée de tragédie reste encore esquissée à gros traits, et l’abus de cartons empèse un peu le rythme d’un récit parfois un peu long, mais qui permet tout de même d’évoquer certains thèmes dignes d’intérêt, notamment le rôle de la femme qui veut piloter, ou la pression parentale visant à faire des fils des patriotes.
Mais Les Ailes est surtout un grand film de guerre : les longues séquences aériennes, réalisées pour la plupart sans trucages, sont d’autant plus saisissantes qu’elles portent la marque de l’expérience de Wellman, ancien pilote militaire et cascadeur aérien. Entre les bombardements et l’attaque des Zeppelins, les milliers de figurants au sol, Les Ailes fait dans le grand spectacle et signe clairement l’acte de naissance de ce qu’on est encore loin d’appeler un blockbuster.
Car l’esthétique ample ne ménage pas non plus la réalité de la guerre : les séquences, pour spectaculaires qu’elles soient, font aussi état de la terrible violence du conflit, que ce soit dans la destruction généralisée ou la destinée des individus pour lesquels l’absurdité d’un combat mène à tuer aveuglément des ennemis dont on aurait oublié qu’ils sont avant tout des hommes.