En France, le thriller semble acquérir une nouvelle dimension politique et surtout écologique. Il s’agit de montrer à l’écran l’impact de l’homme sur la nature — et, par conséquence, sur lui-même, si bien qu’on parle d’anthropocène — et le menaçant poids des lobbyistes, notamment agricoles. Les Algues Vertes, de Pierre Jolivet, suit ce nouveau phénomène et nous plonge en pleine Bretagne rurale, dans l’enquête d’Inès Léraud, journaliste, sur le danger que représente l’accumulation d’algues vertes, qui libèrent un taux mortel d’hydrogène sulfuré, H2S.
L’enquête d’Inès, jouée par Céline Sallette, intéresse vivement quant à sa portée documentaire, quand il s’agit de partir à la rencontre de ce monde agricole, amical ou hostile, et de l’écouter, sans filtre, en montrant pleinement la réalité sociale — en ne corrigeant par l’argot, par exemple, ou les quelques erreurs grammaticales. Mais il faut surtout supporter les victimes et faire face aux lobbyistes et politiques qui cherchent à faire taire la vérité, à créer une « fabrique du silence ».
Néanmoins, le film patine quand il s’agit de raconter, de faire naître un récit. En somme, Les Algues Vertes agit maladroitement dans une partie plus fictive, mise en scène. Le film s’étire péniblement et peine à donner de l’ampleur à ce qu’il montre à l’image. Une nouvelle fois, on est face à un cinéma qui explicite beaucoup trop par les mots ce qu’il pourrait mettre en images. D’autant plus que ces dialogues, justement, surabondent, et frisent le télé-film…
Pourtant, Pierre Jolivet a quelque chose à filmer, et il le fait, de manière fine, élégante, mais trop rare : montrer une nature aliénée par l’homme, dont la beauté est devenue triste, symptomatique d’une ère moderne. La caméra parvient à saisir ces moments de flottement et de légèreté, qui donnent aux Algues Vertes une certaine grâce, trop peu présente, malheureusement.
Il en reste un film passionnant et touchant sur le combat d’une vérité qu’on doit accorder aux morts, et à leurs proches, néanmoins malhabile sur sa narration et sa dramaturgie.