Kenji Mizoguchi filme dans Les Amants crucifiés un Japon du XVIIè siècle où l’adultère est condamnée par la loi (le titre du long-métrage indique le sort réservé aux amants) et où les hommes vivent en maître dans la société avec des femmes obligées de se soumettre à eux ainsi qu’au pouvoir de l’argent. L’émancipation ne leur est pas autorisée, elles sont la propriété de leur mari, et garant de leur réputation. Déjà dans La Rue de la honte du même réalisateur, on entendait “Un chef d’entreprise sans femme n’inspire pas confiance”. C’est la même chose que montre Mizoguchi dans Les amants crucifiés : le mari veut protéger sa réputation en ne dénonçant que l’homme avec qui sa femme s’est enfuie.
Le film est d’une beauté rare, où la scène la plus marquante est sûrement celle sur la barque : les deux amants se déclarent leur flamme, scellant par la même occasion leur destin. Leur amour est ensuite célébré tout le film durant — devant faire face aux différents rejets familiaux — et ce jusqu’à la toute fin, où ils sont transportés devant cette foule intriguée dans les rues de Kyoto. Mais cela ne les empêchent pas de se tenir la main, l’amante paraissant “plus heureuse qu’elle ne l’a jamais été” : délivrée de la domination exercée par son mari, elle peut désormais reposer libre et en paix.