Prolifique, précis, exigeant, imposant, folklorique... Les mots ne manquent pas pour qualifier le cinéma de Kenji Mizoguchi, auteur d'un nombre incalculable de films pour le moins typiques et ambitieux, ancrés le plus souvent dans les traditions japonaises avec tout ce qu'elles impliquent en termes de rites et de codes culturels. Les Amants crucifiés reste tout à fait représentatif du style et de l'esprit de Mizoguchi, brossant le portrait d'une société nippone en proie à la domination d'une bourgeoisie machiste voire sexiste, dévaluant la femme et brisant insidieusement le prolétaire...
Le film parle d'un amour interdit, quasiment impossible, prenant la forme d'une tragédie sociale tout en s'appuyant sur le fameux mythe d'Eros et Thanatos ( mythe extrêmement courant dans le cinéma japonais, et dans la culture orientale en règle générale...). Il se dégage de l'oeuvre de Mizoguchi une cruauté assez fascinante, pour le moins authentique car essentiellement incarnée par l'équipe artistique. Petit bijou de reconstitution historique Les Amants crucifiés tient lieu dans le Kyoto du XVIIIeme siècle, l'ensemble réalisé avec une modernité n'ayant rien à envier d'un certain Roberto Rossellini. Le sens du cadre de Mizoguchi, la limpidité des images et la direction d'acteurs formidablement subtile font de ce film une oeuvre indubitablement majeure dans l'Histoire du cinéma, moins sèche qu'elle ne le semble a priori car constamment référencée sur le plan culturel.
Une oeuvre importante, universelle dans son discours et audacieuse pour son époque... Les Amants crucifiés tient du manifeste de la modernité cinématographique, doué d'une réalisation implacable et d'un scénario beaucoup moins simpliste qu'il n'y paraît de prime abord. Brillant.