Bill Plympton, qui c'est celui-là? Un dieu vivant avec un sacré coup de crayon et une bonne paire de couilles. Insoumis, il a refusé de faire la révérence aux cancers de l'animation que sont Disney et Dreamworks.
Ces métastases, avides de billets verts et amnésiques, ne peuvent aujourd'hui concevoir un dessin animé sans 3D. Quant à envisager qu'il ne s'adresserait pas aux enfants, alors là c'est de la folie furieuse. Comme le hasard est bien fait, ces deux hérésies constituent justement le cheval de bataille de Plympton. Une fois de plus, son travail vient au secours d'un public asphyxié par des productions aseptiques et bon-enfant.
A travers 40 000 dessins étonnants défile l'idylle inattendue de Jake et Ella. L'harmonie de ces deux caractères bien trempés va être parasitée par une prétendante peu scrupuleuse, prête à tout pour y instaurer de la jalousie et de la haine.
Les Amants Électriques ou la dissertation kaléidoscopique et polychrome d'un amour, aveugle dans ses entrains comme dans ses déchirements. Avec une justesse et une éloquence inégalée, l'enfant terrible de l'animation crève un écran auquel la salle aura du mal à dire au revoir.
Cette dernière est fascinée par cette machine chaotique du rapport amoureux, où les visages s'emboîtent et se transforment. D'une dimension incroyable, l'oeuvre de Plympton fera assurément retentir les souvenirs de ceux qui ont déjà été frappés par la flèche de Cupidon.
Soucieux de l'accessibilité de son film, le dessinateur n'hésite pas à allonger de quelques illustrations supplémentaires certaines séquences afin de les rendre plus transparentes. Les connaisseurs constateront qu'il s'agit ici du film le plus lisible de l'auteur. C'est d'ailleurs sa seule faiblesse.
L'Amérique affiche ici une noirceur semblable à celle Des Idiots et Des Anges. Les hommes, égoïstes et violents, n'ont pas tous leurs moyens. A contrario, les femmes sont autant coquettes que rusées. Tirant parti de ce paysage torturé et complexe, l'audacieux cartooniste multiplie les trouvailles hilarantes, par moment inspirées de Michael Jackson ou Dragon Ball Z.
La qualité première de ce long-métrage est évidemment le style visuel accrocheur de Plympton. Maintes fois salué, celui-ci est une toile légèrement sale dont la perfectibilité fait tout le charme. Les traits noirs sont nombreux et renforcent l'aspect fait-main. Les couleurs ternes, réalisées à l'aquarelle, peuvent faire penser à un tableau d'Ernst Ludwig. Un ensemble très esthétique qui sert la mise en scène.
L'artiste hors-pair traduit avec un charme Toporien les réflexions de ses personnages dans des images agitées. Son talent lévite lorsqu'il est question de transitions métaphoriques. Thaumaturge, Bill exploite la forme d'un objet pour lui en donner une autre. Une rose devient un cœur, une bouche devient une barque et ce, avec une aisance stupéfiante.
Impensable de ne pas clore cette éloge sans évoquer la bande originale. Avec un chant sucré, parfois lyrique et un accordéon mélancolique, les compositions de Nicole Renaud insufflent à Cheatin' une nouvelle hauteur émotionnelle.
Bon, quel est l'imbécile qui a dit qu'il ne fallait jamais mettre ses doigts dans la prise?!
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