Les fans ont tort :Twilight, c'est loin d'être génial. Les détracteurs ont tort aussi : Twilight, c'est loin d'être la pire saleté jamais vue. Les vampires propres sur eux, c'est énervant mais sitôt les bases posées (durant la moitié de Fascination, pas plus), on a exactement ce que l'affiche et le marketing promettaient : une romance excessivement fleur bleue sur fond de fantastique tous publics, pas l'inverse. Le problème, c'est que ce genre de gros succès flingue toute une précieuse mythologie en confondant modernisation et révisionnisme. Or, si l'affiche des Âmes vagabondes photocopie sans se fouler celles des Twilight, sa toile de fond et sa bande-annonce en promettaient bien plus. Jamais meilleure que quand elle a des choses à dire, la SF pouvait-elle déboucher sur un résultat heureux entre les mains de Meyer & Niccol ?
Le degoût que provoque la vision du film n'a rien à envier à celle que l'on peut éprouver suite à une émission revendiquée "télé-poubelle" : le brassage de vent pour masquer le vide absolu. Sauf qu'ici, l'ensemble ne repose pas sur une base elle-même artificielle mais sur un genre cinématographique dont il ne laisse que le cadavre. L'entreprise de javélisation initiée par Twilight a donc débouché sur l'assassinat en bonne et due forme de la SF, où un argument de base pour le moins ténu (nous avons été envahis par des aliens vertueux qui nous colonisent pour notre bien) ouvre gentiment la porte à un schéma déjà vu : l'héroïne saura-t-elle choisir entre les deux bellâtres qui font battre son coeur ? Suspense intenable, d'autant que la direction artistique fait honneur au canevas scénaristique : les méchants roulent en Lotus repérables à 50km (décidément, même les races extra-terrestres ont des goûts de luxe bling-bling), pendant que les résistants déambulent au sein de décors désespérément lisses.
Ce qui fait le plus mal dans ce cauchemar insipide, c'est son mépris profond déguisé en bienveillance, Niccol avalisant par les images ce que Meyer entreprend par la plume : la dévitalisation complète d'un genre au profit d'une formule passe-partout. Le résultat est à peu près aussi inoffensif et désagréable qu'un épisode des Filles d'à côté, et ce n'est pas la jolie prestation de Saoirse Ronan (bien plus expressive que Kristen Stewart, mais n'est-ce pas un pléonasme ?) qui y changera quoi que ce soit. Le propos étant lui-même expédié en une poignée de phrases sans substance, le film a tôt fait de se transformer en nouvelle forme de torture : le supplice par omission, qui vous laisse seul face à vous-même pour l'éternité. Un peu comme l'héroïne du film en somme, prisonnière de son propre corps, condamnée à taper contre les murs de son crâne pendant qu'une autre âme en est devenue propriétaire.
Les Âmes vagabondes ou une ellipse de 105mn : chapeau Andrew, non seulement tu es devenu ce que tu dénonçais, mais tu as cette fois vraiment réussi à nous dégoûter du futur. Celui du cinéma de science-fiction, particulièrement.