Le pari était risqué. Rebâtir une franchise inédite en changeant d'époque et en nous dévoilant un arc quasiment inconnu du grand public dans l'idée d'une « extension du monde des sorciers », le défi avait de quoi faire rêver plus d'un fan de l'univers de J.K. Rowling.
C'est en 2013 que débutera officiellement la genèse d'un projet d'expansion du monde magique de Harry Potter au cinéma. On découvrira alors que J.K. Rowling en personne en sera la scénariste. C'est Lionel Wigram, producteur exécutif de la saga à partir du cinquième épisode, qui proposera à J.K. Rowling l'idée de développer une adaptation originale de la petite encyclopédie, le bestiaire de Newton Scamander (en français, Norbert Dragonneau) qui donnera son nom plus tard à la franchise Fantastic Beasts. Produit notamment par la Heyday Films fondée par le producteur principal de la saga Harry Potter, Fantastic Beasts signe également le retour de l'académique David Yates, unique cinéaste de la saga à avoir participé à quatre films, réalisateur contestable capable de grandes envolées lyriques et soignées parfois même d'une grande noirceur mais, dans le même temps, à des séquences d'une platitude et d'une inconsistance assez rare. C'est en 2016 que nous sera dévoilé sur nos écrans le bien maladroit Fantastic Beasts and Where to Find Them s'affranchissant des Harry Potter et tentant de nous promouvoir des personnages différents et un prologue à une saga moins manichéenne ou, en tout cas, avec des enjeux moins évidents et plus complexes, le premier film de cette saga se révélera être un divertissement correct, porté par une réalisation courtoise mais assez peu imaginative, dans un New York des années 20 plutôt bien retranscrit mais aux effets spéciaux assez grossiers. Plombé par une intrigue molle et finalement assez vaine, un personnage principal réussi, joué par le talentueux Eddie Redmayne, mais trop souvent esclave de sa propre condition d'être généreux et engourdi, héros malgré lui accompagné par des seconds rôles trop souvent sans consistance voire assez faibles dans leur développement, le premier opus laissera un goût amer bien qu'il aura son lot de réussites. On gardera en mémoire des scènes d'une jolie portée aussi bien sur le fond que sur la forme et un travail assez exceptionnel de l'excellent directeur artistique Stuart Craig et de son équipe qui redonneront vie, une nouvelle fois, à cet univers foisonnant.
Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald avait donc beaucoup à faire pour donner à cette saga une légitimité et de permettre à l'intrigue de prendre son véritable envol. C'est avec surprise et étonnement qu'on découvrira une trame, toujours écrite par J.K. Rowling, beaucoup plus intelligente et mature que ce que l'on aurait pu imaginer, même en ayant vu les bandes annonces. Prenant état d'une époque entre-deux-guerres où une partie de la société embrassait le fascisme, ce second opus marque véritablement par sa puissance incantatoire, ses évocations subtiles et bienvenues à notre temps et ses personnages contrastées et diversifiées. Il est assez épatant de voir qu'en essayant de connecter cette saga à Harry Potter dans l'intrigue, mettant enfin en avant les deux grands sorciers que sont Albus Dumbledore, joué par un Jude Law charismatique et convaincant, et Gellert Grindelwald, campé par un Johnny Depp assez surprenant de part sa douceur et sa modération, David Yates et son équipe réussissent à s'en éloigner, réinventant complètement la saga fondatrice tout en y ajoutant de vives références, parfois trop appuyées, mais toujours par le prisme d'un véritable amour de leur monde magique. Le cinéaste, d'ailleurs, qui proposera ici l'une de ses réalisations les plus abouties s'autorisant enfin à libérer davantage sa caméra et sa mise en scène, notamment aidé par le directeur de la photographie de grande classe qu'est Philippe Rousselot.
Bien loin d'un film faisant office de transition, J. K. Rowling nous offre enfin une intrigue davantage proche de ce qui avait fait la sève de son univers, bien qu'on peut y reprocher un certain fourre-tout et un rythme filandreux, The Crimes of Grindelwald possède une force de caractère bien trop rare dans les films à grand spectacle et, en cela, est absolument rafraîchissant. Reprenant, évidemment, les personnages du premier opus en y ajoutant d'autres, ce second opus peaufinera les protagonistes existants, les évitant de trop s'écraser face à de nouveaux personnages beaucoup plus intéressants. Difficile de ne pas s'arrêter sur le trio Theseus-Leta-Newt, véritable perle d'écriture dans les non-dits, les regards et leurs relations respectives : Zoë Kravitz et Callum Turner tirant leur épingle du jeu. Les nouveaux personnages fourmillent et on sera surpris de la cohérence et de l'intérêt que tous ces protagonistes, n'ayant parfois que très peu de temps pour s'exprimer, trouvent au sein d'un récit pourtant si boursouflé. Les effets spéciaux de ce deuxième acte seront également davantage au rendez vous, globalement beaucoup mieux réussi que ceux de son prédécesseur bien que Paris soit tout de même très vide. La direction artistique, toujours aussi grandiose, sera de nouveau un véritable point fort tant à travers un nouveau bestiaire éclatant que dans les différents lieux qu'on visitera tout le long du film. On sera tout de même déçu par une bande originale, signée par le talentueux James Newton Howard, aussi discrète et si peu mise en valeur durant le métrage, chose que l'aîné avait beaucoup mieux négocié.
Au final, c'était bien avec ce film qu'allait se dessiner, ou non, l'avenir de cette saga inédite. Le pari, déjà difficile, l'était encore plus avec celui-ci. De manière admirable, l'ensemble est donc très éloquent, néanmoins, on sortira de la salle avec une certaine frustration et on regrettera, définitivement, un premier volet aussi peu incarné alors suivi de près par un second aussi intéressant mais dysfonctionnant et surabondant de sous-intrigues surchargées. Pourquoi ne pas avoir concilié les deux ?