Eh bien, tu vois, le fan service outrancier c'est quand tu fais une seconde saga cinématographique qui se déroule 70 ans avant la première et que tu peux pas t'empêcher de caler des références à absolument chaque recoin de post-it de scénario.
Exemple: Si ton scénario ressemble à : "Le ministère de la magie, le méchant, et le héros recherchent à Paris un jeune garçon au potentiel destructeur", c'est pas assez. Il faut que le garçon en question s’amourache d'une nana qui a 3 répliques en 2h15 et qui est, en réalité, le futur serpent de Voldemort. Mais là, la crème est encore trop light. Non, ce qu'il faut vraiment, c'est que la meuf du frère de ton héros, ait le même nom de famille qu'une méchante de la première saga. Bien sur, on va pas en faire grand chose non plus de ce personnage, hein.
Maintenant que la crème est bien épaisse, prends un autre personnage inconnu, lui ça va être le demi-frère de ce nouveau personnage. Pis ce qui est marrant, c'est que tous ces braves gens, à un moment, ils vont se poser pour expliquer tout le scénar, histoire que le spectateur comprenne pourquoi il a bien eu raison de pas s'y intéresser. Peu importe si la mise en scène de leur discussion fait penser aux heures les plus sombres des téléfilms TF1.
Mais le fan-service, c'est aussi des personnages charismatiques seulement mentionnés auparavant qui s'incarnent enfin pour le plaisir des fans. Prends l'alchimiste Nicolas Flamel, grand ami de Dumbledore, dont le nom est au centre du premier "Harry Potter". Là, c'est une version leader price du Père Fouras et sa main elle craque quand on la lui serre, parce qu'il est très vieux. Comment ça, ça te fait pas rire ? T'es un fan ou pas ?
Mais papa, le fan service c'est bien si ça aide les fans à se sentir chez eux, non ?
Pas forcément. Par exemple, même si l'auteure du scénario du film est aussi celle de la série de livres si chère aux potterheads, elle se permet quand même des énormités, dans sa quête effrénée au name-dropping. Du coup, allons-y, balançons McGonagall jeune dans des flash-backs où elle est même pas sensée être née. Et puis donnons un autre frère à Dumbledore, tant qu'à faire (sachant que sa mère était déjà morte au moment où il est sensé naître). Soit la dame a plus toute sa tête, soit elle aligne une nouvelle phrase de script à chaque zéro qu'on pose sur son chèque.
Mais alors papa, avec toutes ces références, les personnages du premier film, ils font quoi ?
Eux ? Oh, ils courent après l'intrigue, toujours en retard sur un Johnny Depp qui a le bon goût de ne pas cabotiner comme à son habitude. Et puis ils ont des romance aussi, très important ça. Vous voulez mettre un peu d'humour ou de drame dans votre histoire ? Hop, le gros monsieur rigolo (parce qu'il est seulement caractérisé comme ça, je suis désolé) il est amoureux de la coconne qui rejoint Grindewald plus vite qu'Anakin de rejoint Palpatine dans "La revanche des sith". Le pauvre Eddie Redmayne accepte son sort de touriste. Après tout, il y a pire que de faire du tourisme à Paris.
Mais alors, tout est absolument mauvais dans cette histoire ?
Pas dans les idées, non. La saga des "Animaux Fantastiques" semble vouloir se rapprocher des "X-Men" dans son esprit, et c'est plutôt une bonne chose. L'opposition entre Dumbledore et Grindewald renvoie à celle entre Charles Xavier et Magnéto, et pose la question de l'attitude à adopter contre une population majoritaire et potentiellement hostile lorsque l'on est une minorité contrainte de se cacher. Son ambition initiale était d'étendre le monde des sorciers, ses dilemmes, ses contradictions, ses subtilités. Et puis tout ça a été mis de côté au profit de la citation perpétuelle. Alors certes, quelques scènes surnagent, celles qui font un parallèle évident entre Grindewald et Hitler, lorsque le sombre sorcier exalte ses pauvres adeptes à prendre les armes, joue sur leur sentiment de frustration. C'est gros, mais ça se rapproche déjà plus de l'esprit initial des sagas de Rowling. Et puis, Jude Law fait un Dumbledore convaincant, très classe et charismatique, que l'on sent tiraillé entre son sens du devoir et l'inviolabilité de son serment.
Mais papa, tu pinailles sur l'histoire. L'important dans un film Harry Potter, c'est l'émerveillement, non ?
Ah ça... Si on s'émerveille devant des scènes d'actions charcutées et illisibles, des animaux fantastiques dont les textures ne sont même pas finies, un filtre grisâtre sur la totalité du film, des décors vides (avec 2 figurants statiques en arrière plan), des FX moches pendant les combats de magie, qui rappellent plus la fin de "Suicide Squad" que la démonstration de puissance d'un des plus grands sorciers du monde, alors oui.
Allez, soyons honnêtes, notre Newt a dans sa collections quelques animaux franchement beaux (l'espèce de monstre chinois, le dragon sous-marin), mais ils ne représentent que d’infimes moments un peu figés dans le temps...avant le retour du scénario indigeste et des références vulgaires torpillées à la face du spectateur, supposément heureux de les recevoir.
Papa...je m'endors... tu me racontes une histoire ?
Oui, mais pas celle là.