Le paysage des Apaches est aussi cruel que le microcosme mis en lumière par le réalisateur : sec, cruel, oppressant. Au coeur d'une Corse estivale prise d'assaut par les touristes, un petit groupe d'adolescents tente de s'élever tant bien que mal d'un environnement en apparence affable.
Le tour de force du réalisateur est ici de capturer, à la fois avec sensibilité et amertume, la vie de cinq jeunes en proie à leur pulsions. Le début, frôlant le cliché, est sauvé par un traitement esthétique hors pair. Excellant dans la maîtrise du hors champ et de la lumière, les choix techniques permettent d'accorder une dimension intime et gage d'attentes pour la suite. Là apparaît alors comme évident que le long-métrage ne sera pas un simple film d'ados.
S'amorce alors rapidement un des premiers enjeux du film : que font cinq adolescents qui s'ennuient en été ? Ici, ils transgressent, se retrouvant ainsi confrontés à la menace adulte. Pris de court par leur irréflexion, ils tentent tant bien que mal de réparer leurs erreurs, quitte à se désolidariser. Semble régner la devise du chacun pour soi, qui peu à peu va scinder le petit groupe et mettre en exergue les rancoeurs de chacun.
En une petite heure, le réalisateur parvient à effleurer, sans lourdeur, avec une légèreté qui semble liée à la chaleur qui transparaît à l'écran, les travers d'une Corse atypique et absente des magazines. Les menaces, les invectives, le racisme, l'argent; tout est montré, sans pathos, laissant les personnages seuls face à leurs actes.
Le film prend alors dans la dernière demi-heure un virage, similaire à ceux jalonnant le maquis, sordide et inéluctable. On a du mal à y croire, mais ce ne sont pas les acteurs - qui, en amateur, sont excellents, c'est le simple fait de voir ces adolescents basculer dans ce contre quoi ils semblent lutter durant tout le film. S'opère une mutation sauvage, que l'on peut interpréter grâce aux clés que le réalisateur nous a mis en main.
On pourrait regretter le choix de la naïveté attribuée aux cinq jeunes, mais celle-ci est annihilée par les décisions qu'ils vont devoir prendre tout au long du film. Le titre, justement choisi, projette sur ces ados l'estampe d'un groupe solitaire, luttant pour sa survie au sein d'un tout hostile (touristes, malfrats, parents).
C'est avec effroi qu'on sort de la salle, mais avec le bonheur d'avoir vu un film différent. Mettant en lumière une réalité sociale (la Corse profonde), le film balaye, tel le Sirocco, toute morale et tout manichéisme pour ne laisser place qu'à cette énergie qui porte les personnages du début à la fin : la vie.