Une vie, une couche de vernis et quelques fausses notes

Chère Karin,


Je pense qu'il n'y a plus lieu de faire les présentations, vu que tu t'es imposée, au fil de ta déjà longue carrière, comme une valeur sure du cinéma hexagonal, capable de faire du pied aux spectateurs sur ton seul nom.


Et je dois t'avouer que je fais partie de ceux là, d'une certaine façon.


Je m'en suis parfois mordu les doigts, à vrai dire. Oui, je vais te parler de Chanson Douce, là. Non pas que tu sois en cause, non, rassure-toi. Seulement que ce n'était pas l'idée du siècle de te faire jouer le pète au casque en roue libre, de manière si débridée et de surligner à ce point la folie de ton personnage dont on savait, dès la première seconde où on la rencontre, qu'elle n'est pas trop toute seule dans sa tête.


Dans Chanson Douce, ce qui m'avait attiré, à part le fait que tu sois à l'affiche, c'était le côté ouvertement thriller de l'entreprise. Et c'est cette même orientation qui m'a poussé en salle pour voir ton dernier effort : Les Apparences.


Et il faudra les surmonter, les apparences, pour passer outre cette totale détestation du milieu dépeint avec complaisance par Marc Fitoussi. Cet univers d'expatriés friqués à vomir, qui ne parlent que de leurs dérisoires petits malheurs avec condescendance, dans des appart' remplis d'oeuvres d'art môôôderne en cultivant un entre soi proprement antipathique. De ceux que l'on ressent dans les Grands Reportages Découverte du samedi après-midi sur TF1 parlant de ces mêmes expat'.


Mais dès que tu apparais à l'écran, Karin, le film s'éclaire et gagne en intérêt. Ta prestation est confortable, dans la même veine que certaines de tes compositions récentes. Mais Les Apparences, finalement, se résume à toi. Et au plaisir que tu donnes qui irradie l'écran. Celui éprouvé lors de la préparation de ta vengeance, de ta rage ou de tes pleurs contenus à l'idée d'éviter le déclassement social, celui que l'on évoque dans une conversation badine à l'occasion d'une soirée, ponctuée de "Oh ! La pauvre !" avant de se moquer de la situation.


Celui éprouvé lors de chacune de tes petites victoires feutrées et silencieuses, de tes tirades à double sens, comme pour dire que tu n'es pas dupe.


Celui éprouvé par l'étalage de ta perversité soft évoluant sous le radar du regard des autres.


Tu rayonnes dans Les Apparences, à l'évidence. Mais le film, passé cet attrait, non négligeable, semble comme manquer de souffle, si tu veux mon avis.


Euh... Je vais peut être reformuler : Les Apparences ne transcende jamais son aspect domestique et évolue sans déplaisir, mais malheureusement sans aucune surprise à l'horizon qui aurait pu irriguer son aspect thriller.


Le film devra donc s'envisager comme une vraie comédie de meurs, et où le vernis des apparences sociales et conjugales constitue le terreau d'une machine dramatique qui échappera lentement au contrôle de ses protagonistes.


La tentative d'évolution en terrain chabrolien est manifeste, sauf qu'elle n'est pas des plus réussies, faute de mordant dans la peinture de ce microcosme privilégié, faute d'expression d'une amoralité vacharde ou désabusée.


Mais il reste à la fin de la séance un certain plaisir : celui d'avoir pu à nouveau profiter de ton art au cinéma. Mais une ou deux fausses notes aussi, malheureusement. Elégantes, à défaut d'affirmer pleinement leur thriller, Ces Apparences se suivent sans faillir, mais pas sûr que l'on s'en souviendra au moment d'établir ses petites listes d'impérissables en fin d'année cinéphile...


Mais ce n'est que mon avis...


Bien à toi,


Behind_the_Mask.


PS : Pourrais-tu s'il te plaît rappeler à Benjamin, si tu le recroises, que le jeu d'acteur ne se réduit à une mono expression taciturne ?

Behind_the_Mask
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le 30 sept. 2020

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