Une journée ordinaire, un type ordinaire, une histoire extraordinaire. Sans rien avoir demandé, quand on a l’habitude d’être au cœur de l’attention, que faire lorsque l’on devient invisible aux yeux du monde entier, même ses propres yeux ? Bienvenue dans Les Aventures d’un homme invisible.
La filmographie de John Carpenter se scinde principalement en deux parties, avec d’un côté ses films « personnels » qu’il a pu entièrement écrire, et les films de commande, réalisés sous l’influence des studios, souvent pour regagner leur confiance et obtenir plus de budget pour les projets qui lui tiennent à cœur. Les Aventures d’un homme invisible s’inclut dans la seconde partie, étant à la base le fruit de la volonté de Chevy Chase d’avoir un rôle différent pour relancer sa carrière, et l’occasion pour Carpenter de retrouver le chemin des studios après Prince des Ténèbres et Invasion Los Angeles. Et, même si c’est un projet commercial, cela n’empêche pas John Carpenter d’être efficace.
En effet, de par sa nature de film de commande, Les Aventures d’un homme invisible suit un certain cahier des charges et ne peut permettre au cinéaste de s’exprimer totalement librement. On le remarque, notamment, au niveau de la musique, qu’il ne compose pas ici, fait assez rare dans sa carrière. Mais Carpenter est un curieux, qui aime les défis, et le scénario du film lui propose un terrain de jeu idéal. Sur le plan technique, l’invisibilité du personnage est très bien exploitée, permettant au film d’être truffé de bonnes idées de mise en scène, créant un ensemble tragi-comique intéressant. Avec des effets spéciaux novateurs pour l’époque et qui passent encore assez bien aujourd’hui, le film parvient bien à répondre aux défis techniques qui lui sont imposés. Par ailleurs, son ambiance particulière lui fait emprunter aux genres du film noir, du polar et du thriller, avec une certaine décontraction, tout en soulignant la gravité de la situation et la souffrance du héros qui devient une sorte de monstre à la fois chassé et fui.
Toutefois, malgré ses qualités indéniables, Les Aventures d’un homme invisible finit aussi par montrer ses limites, notamment dues à son statut de film de commande. En effet, l’invisibilité du personnage, qui se manifeste tant face aux autres qu’à lui même, était une très bonne source de réflexions sur notre société et la place que l’on y occupe. L’invisibilité symbolise l’oubli, l’ignorance, voire le dédain, et pouvait donc servir de base pour un vrai drame humain fort et émouvant. Les Aventures d’un homme invisible propose quelques amorces, quand le personnage principal se retrouve dans une pièce où l’on parle de lui sans savoir qu’il est là par exemple, mais ne va jamais tellement au bout de sa démarche.
Les Aventures d’un homme invisible est moins empreint de l’essence du cinéma de Carpenter que la plupart des films du cinéaste, le rendant moins personnel, mais pas bâclé pour autant. Le film propose de bons moments et quelques fulgurances qui en font un film tout à fait divertissant et sympathique. Encore une fois, le cinéaste n’avait pas les mains libres, et bien que ce soit un Carpenter « mineur », il se regarde avec plaisir.