Sorti en 1977, Les Aventures de Bernard et Bianca est un joli succès public et critique qui redonne aux studios Disney une visibilité toute éclatante. Car en adaptant les romans pour la jeunesse de l’anglaise Margery Sharp, l’équipe à l’oeuvre sur le métrage arrive à trouver un juste milieu entre l’émotion et l’aventure, la douceur et les rires. Et même si ce sont l’aventure et les rires qui prédominent, c’est cette nuance bienvenue qui rend ce film si attachant.
Il faut reconnaître que le film propose un nouveau duo de personnages à la personnalité rafraîchissante. Bernard et Bianca sont deux membres de la SOS Société, une organisation internationale composée de souris qui cherchent à aider leurs prochains. Bianca est une jeune souris bienveillante, douce et déterminée qui décide de s’adjoindre les services du concierge Bernard, de bon sens mais un peu trouillou et superstitieux, pour aller secourir une petite fille dans le bayou.
L’un et l’autre n’ont pas la carrure des plus grands héros, mais ils ont le coeur sur la patte. Ils n’ont pas l’assurance de ceux qui ont l’expérience mais veulent bien faire et sont déterminés à réussir ce qu’ils entreprennent. Leur personnalité est d’autant plus intéressante que leur complicité se double d’une ébauche de relation sentimentale, esquissée mais touchante avec ses émois et petits gestes tendres, ce qui ne les rend que plus humains, plus proches de nous.
Découvrir les échanges du duo est d’autant plus ravissant que le film se fond dans une aventure à taille humaine, à la recherche de Penny. La jeune fille est une orpheline qui a été adoptée pour de mauvaises raisons par la vénale Médusa et son associé Snoops. Les deux souris vont donc mener l’enquête pour arriver au bayou, un territoire bien moins hospitalier que celui proposé dans La Princesse et la grenouille.
Par rapport à l’éclat beau et simple des caractères Bernard et Bianca, savamment entretenu pendant tout le film, Penny ou ses parents adoptifs peinent à rivaliser. Penny est charmante, mais c’est l’orpheline en détresse, personnage assez commun, même si le film arrive bien à retranscrire ses états d’âme mélancoliques. Médusa et Snoops ne resteront pas dans le panthéon des méchants Disney les plus emblématiques, c’est certain, même si la personnalité un peu fofolle de Médusa et sa relation avec ses crocodiles de garde amusent. Quelques personnages secondaires sont présents et offrent une belle galerie bien plus riche, à l’image du vieux chat Rufus, de l’albatros Orville qui se prétend grand pilote ou de la libellule Evinrude, si expressive alors qu’elle ne s’exprime que par des modulations du même son.
Le film ne prend pas le parti de la surenchère spectaculaire, bien au contraire, préférant avancer à un rythme assez paisible. Quelques scènes offrent tout de même le petit frisson bienvenu, notamment quand les souris « subissent » le décollage de leur avion de ligne, l’albatros Orville, ou la montée de l’eau dans la grotte plus loin dans l’aventure. La bande son est elle assez discrète, parfois même absente, une sobriété bienvenue pour une production Disney.
En tout cas ce film Disney de 1977 est d’une beauté toujours remarquable malgré les décennies. C’est d’autant plus flagrant dans une copie HD, même si quelques contours se superposent mal sur certains fonds. Les souris anthropomorphisés ont cette mignonnitude bienvenue, mais aussi des traits humains qui les rapprochent de nous. Les expressions des uns et des autres des personnages sont très travaillées, mais aussi leurs animations, il y a de la vie dans cette bobine.
Il y a d’ailleurs dans les décors traversés une véritable recherche esthétique, un soin apporté aux arrière-plans qui recherche à installer pour chaque nouvelle scène un décor et une ambiance. Des débuts urbains à ceux sauvages du bayou, il y a bien un monde d’écart. Certaines scènes sont d’ailleurs troublantes de beauté voire même d’étrangeté, à l’image de la découverte du crâne dans la grotte et du joyau qu’il contient, prétexte à des jeux de lumière assez audacieux, beaux mais inquiétants, surprenants dans une telle production familiale.
Le film est considéré comme un passage de relais entre l’ancienne génération présente aux studios parfois depuis sa fondation et de nouveaux talents qui commençaient alors à émerger. Le génialDon Bluth, encore chez Disney, est ainsi le directeur de l’animation, c’est à lui qu’on doit les adorables Bernard et Bianca sur cellulo (avant ses autres rongeurs Brisby et Fievel), tandis que d’autres noms allaient se faire connaître par la suite, comme Ron Clements.
C’est peut-être ce qui explique la belle réussite de ce film, entre le passé et l’ancien, qui arrive à trouver le ton juste entre l’émotion, la plaisanterie et l’aventure, tout en usant de talents nouveaux et de nouvelles techniques pour arriver au résultat attendu. Ces aventures sont charmantes et plaisantes, offrant une première pierre d’un univers plus vaste dont on pressent déjà des développements possibles, contrairement à d’autres films des studios Disney conçus comme des épisodes fermés. C’est ce qui a permis à ce film d’être le premier Disney à connaître une suite, même si elle arrivera en 1990 avec Bernard et Bianca au pays des kangourous. Depuis, le studio a bien compris l’utilité mercantile de proposer des suites, pour le meilleur et pour le pire, mais c’était assez surprenant à l’époque.