A la va comme je te pousse-pousse
Curieux comme certains réalisateurs parviennent à se dégager des sacro-saintes règles académiques et fabriquent des films qui ne ressemblent à rien de balisé. Quand la sauce prend, il s'en dégage un charme bizarre, difficile à définir. Des vilains petits canards qu'on a envie d'adopter malgré leur air bancal, ou à cause de lui.
Le moins que l'on puisse dire des Aventures de Taro, c'est qu'elles défient toutes les lois du scénario. Il n'y a pas d'intrigue, mais une suite d'événements disparates, certains cocasses, d'autres dramatiques, qui se succèdent presque par hasard, au gré des rencontres et des réactions. Pas de héros non plus, mais une famille de marginaux, qui vit comme elle peut dans le Tokyo des années 70, violent et psychédélique. La figure centrale est un cascadeur de cinéma (le formidable Kunie Tanaka qu'on voit trainer sa gueule improbable dans tous les grands films des années 60 et 70) qui s'amuse à faire peur aux policiers avec sa jeep et ses airs de baroudeur à la Belmondo. Autour de lui ses neveux, sa femme, sa nièce, ses soeurs (qu'on appellent Grande Mamie, Moyenne Mamie et Petite Mamie), un vendeur de sex shop farfelu, amateur d'opéra, un ancien combattant, un poivrot... De vengeances en raids justiciers, de salles d'hôpital en gares désertes, de terrains vagues en ports de pêche, tout ce petit monde essaye de changer la donne, en vain.
Pas de morale, pas même d'enjeu véritable, mais quelques beaux moment de vie arraché au néant, d'une main sincère toujours, un peu molle parfois. Comme ces voyages en pays étranger où l'on ne comprend pas très bien ce qui se passe autour de nous, mais dont on revient la tête plein de souvenirs inracontables et précieux.