Premier long métrage d’animation conservé de l’histoire du cinéma, Les Aventures du Prince Ahmed s’inspire des contes des Mille et une nuits, en particulier Le Cheval volant et Aladin et la lampe merveilleuse, et transporte le public dans un univers magique et onirique, en faisant preuve d’une poésie et d’une technicité absolument remarquable.
L’œuvre s’illustre dans l’emploi de la technique de l’animation de papiers découpés chère à la réalisatrice Lotte Reiniger, qui est une pionnière dans le domaine. Sa maitrise de l’art transperce l’écran, avec des silhouettes souples, des mouvements d’une fluidité harmonieuse et une grande précision dans le découpage des éléments.
Les décors sont aussi un élément important du film, bénéficiant d’un soin particulier, ils précisent les ambiances variées et rythme le film. Initialement en noir et blanc, l'oeuvre a été peinte dans un dispositif de bain de couleur pour un résultat élémentaire, mais pas moins enchanteur. Le film a également bénéficié d’une restauration en 1999 qui nous permet d’apprécier le spectacle sans trop déplorer l’échelle du temps.
L’histoire, divisée en cinq actes, est empreinte d’une poésie fantastique. L’action est aussi au rendez-vous, avec des scènes franchement épiques, telles que la bataille entre la bonne sorcière et le cruel magicien. Enfin, les effets visuels sont étonnants, grâce à leurs caractères inventifs et innovants.
Le scénario a malheureusement beaucoup vieilli. L’histoire peine à nous captiver, en raison d’une banalité, certes empreinte au fantastique, mais au regard d’aujourd’hui, presque sommaire.
Les personnages n’ont pas réellement d’identité et ne se définissent que par leurs visuelles, un défaut que l’on ne saurait véritablement reprocher au film, puisque davantage dû à une absence de dialogues limités, bien évidemment, par les techniques de l’époque. Par ailleurs, la simplicité des personnages est largement compensée par une ingéniosité visuelle des plus honorables.
Comme cela se faisait avant l’apparition du cinéma parlant, le film recourt à des intertitres (les dialogues sur des cartons filmés) qui inscrivent l’œuvre dans son époque avec ce que cela comporte d’authenticité et de charmes, mais qui nuisent malheureusement au rythme. Encore une fois, si l’on replace le film dans son contexte, cette caractéristique ne peut être considérée comme un réel défaut.
Les Aventures du Prince Ahmed n’est pas le premier long métrage d’animation de l’histoire du cinéma, mais le plus ancien conservé (le premier long métrage d’animation de l’histoire du cinéma a été réalisé par l’Argentin Quirino Crisitiani, mais malheureusement, toutes les copies du film ont été détruites lors d’un incendie). Bien qu’il ne soit pas le premier, le film de Lotte Reiniger se démarque toutefois par son énergie créative unique. Incontestablement, il s’agit d’un chef d’œuvre, presque intemporel, encore apprécié aujourd’hui par les passionnés du genre, et les curieux.
Le film est malheureusement trop méconnu, souvent remplacé dans l’inconscient collectif par le chef d’œuvre des studios Disney, Blanche-Neige et les sept nains, en raison bien entendu de l’impact qu’il a eu sur le public du monde entier. Néanmoins, l’œuvre de Lotte Reiniger s’illustre toujours comme une référence de l’animation de silhouettes et de papier découpé. S’inscrivant dans le mouvement expressionniste, Les Aventures du Prince Ahmed occupe de manière marginale, mais sublime, la place de jalon dans l’histoire du cinéma d’animation, et demeure évidemment un indispensable du genre.
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