Si je m’attendais à rire, ce qui fut bien le cas, je vous rassure, avec un humour, d’une justesse assez incroyable d’ailleurs, parfois très subtil, sans jamais tomber dans la vulgarité ou le lourd, j’étais très loin d’imaginer ressortir de cette séance aussi touchée et pleine de réflexions, sur des sujets si forts de vérités, d’actualité. À l’heure où l’extrême droite semble toujours plus gagner en puissance, où le racisme en tous genres prend plus d’ampleur, jour après jour, où l’intolérance devient monnaie courante, toujours plus prégnante dans notre quotidien, gangrénant les relations des uns et des autres, voilà une situation qui nous est exposée, dans sa plus crue des réalités. S’il n’est pas question de faire des généralités, les évènements que nous allons suivre, dans cette petite bourgade de Bretagne sonnent pourtant des plus vrai, donnant le ton assez rapidement, celle d’accueillir des réfugiés, ils devaient être ukrainiens, mais vont se révéler être syriens, à cet instant, nous allons vite comprendre que le ressenti n’est pas le même pour la population et que oui, même dans l’horreur, il existe une hiérarchie. Pourquoi il serait moins acceptable d’accueillir des musulmans, eux qui ont fui la guerre également, eux qui ont tout fait pour protéger leur famille, mais non, c’est plus simple, mieux pour l’image de vouloir soutenir un pays comme l’Ukraine, alors que l’on devrait simplement penser à la bonne action que l’on fait, il faut invariablement reporter ça sur des préjugés, des sentiments, des idéaux, qui n’ont en aucun cas leur place ici. La réalisation de Julie Delpy est pleine d’intelligence, elle a su aborder des sujets au cœur d’une actualité pour le moins brûlante, dans notre monde où les guerres viennent faire de plus en plus de victimes, tant dans leur propre pays, qu’en voulant s’en échapper. Visuellement, un cadre qui ne prête que peu à la comédie donc, mais qui va pourtant s’y allier avec une belle alchimie, apportant une légèreté bienvenue, sans jamais occulter le drame, la tragédie, derrière ces vies brisées, des scènes tout en suggestions, qui ne dévoilent presque rien de l’horreur et qui sont pourtant tellement percutantes, qu’elles viennent incontestablement nous bouleverser. En ce qui concerne le scénario, assez novateur, bien qu’il puisse utiliser des ficelles classiques, il nous offre une vision extrêmement réaliste, intelligemment écrit, avec la juste dose d’humour, il permet de mettre en avant des scènes délicieusement cocasses, sans jamais qu’elles prennent le pas sur la trame de fond. Et c’est là que nous serons pleinement surpris, nous qui nous attendions simplement à rire, nous allons finalement nous trouver bouleversés par ces vies, par l’arrivée de ces réfugiés qui vont faire évoluer les mentalités, qui vont révéler le pire chez les habitants, mais aussi le meilleur, où chacun va apprendre de l’autre, à travers des scènes parfois très drôles, mais d’autres profondément émouvantes, dans un cocktail d’une justesse effarante. Quant au casting, il est absolument exemplaire, Julie Delpy y est délicieuse, j’ai adoré le rôle de Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte est d’une crédibilité folle dans ce rôle pourtant ingrat, Ziad Bakri est d’une finesse extraordinaire, Dalia Naous est d’une douceur touchante et j’ai été particulièrement émue par le rôle de Rita Hayek.
En bref : Une comédie qui possède tous les éléments pour en faire une bonne, dotée d’un humour subtil, qui fonctionne totalement, elle saura également se détacher complètement de cette étiquette, pour nous offrir des sujets brûlants d’actualité, très difficiles par leur réalisme, des thèmes sensibles, sur lesquels il faut pourtant ouvrir les yeux, nous offrant ainsi un récit bien plus fort que ce que nous pouvions imaginer et d’une profondeur sans égal !
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