Après L’Idiot qui s’inspirait de l’œuvre de Dostoievsky et Le Château de l’araignée qui s’inspirait du Macbeth de Shakespeare, Kurosawa adapte à nouveau une œuvre issue de l’étranger, une pièce de théâtre de Gorki : Les Bas-fond. Le réalisateur nippon a gardé le caractère théâtral de l’œuvre originale. Le film se déroule dans le huis-clos d’une auberge et de sa cour. Durant 2h, le spectateur est plongé dans ces bas-fonds de la pauvreté et de la misère. Pauvreté matérielle mais aussi psychique. Ces hommes et ses femmes, enfermés dans ces murs, sont d’abord enfermés dans leurs têtes, sans horizons. Leur vie se réduit pour les hommes au désœuvrement, qu’ils fuient grâce au saké et aux parties d’échecs. Les femmes tentent de fuir soit par la séduction, soit en s’évadant dans des rêveries. Tous sont amers, cyniques ou à bout de nerfs. Au milieu de cette misère, un vieil homme, nouvel arrivé détonne par sa gentillesse et son intelligence tentant vainement d’éveiller d’autres comportements et manières de voir.
Un tableau peu réjouissant et une intrigue assez pauvre. Tout repose sur le jeu des acteurs et leurs interactions. L’incontournable Mifune comme à son habitude se démarque à chacune de ses apparitions. Et Kurosawa dans un cadre étroit réussit à donner de l’intensité à certaines scènes comme celle où la femme agonisante parle sans qu’on la voit. Sa voix remplit toute la pièce et la caméra s’attarde sur le visage de ceux qui sont présents et qui l’écoutent chacun à leur façon. Cette femme est encore plus présente par sa seule voix qu’elle ne l’aurait été si elle avait été filmée à ce moment.
Malgré quelques longueurs certaines, Kurosawa arrive à nous intéresser à ces pauvres bougres. Si ce n’est pas la meilleure réalisation du réalisateur, elle n’est certainement pas à jeter, elle dépeint avec réalisme la misère humaine et porte un regard bienveillant sur ceux qui sont prisonniers de leur condition.
Il est mort pour nous gâcher le plaisir!