De la contenance d'une chaussette d'adolescent
On se retrouve, là, dans une cour de récré hors du temps. Pas loin, il y a un distributeur de bananes. Les ados, dont la coupe de cheveux et le choix vestimentaire rappellent un temps révolu, ne sortiront jamais un portable de leur poche. La situation est posé : on est dans un univers étrange, hors du temps, coupé mais à la fois relié par plusieurs détails discrets comme Sattouf les affectionne au monde d'aujourd'hui.
La beauté et la profonde modestie des Beaux Gosses, c'est que les clichés, il en fait son miel. Il les assume, les pousse à outrance, créé des bêtes de caricatures : ils sont chacun là, l'intello catho, la bombasse, le souffre-douleur, l'obsédé, le deuxième obsédé, l'efféminé. Il les assume tant qu'il finit même - et c'est son but - par atteindre un point de non-retour, explorant un nouveau champs de création à l'intérieur même de cette caricature : ainsi est fait l'univers singulier du jeune cinéaste, finalement loin de ce qu'est le prototype du "teen cinema" de son époque mais à la fois volontiers à son écoute, observateur de ce qu'il raconte et de ce qu'il présente. Le mixage de ces deux rencontres donne un film d'une tendresse et d'une drôlerie absolue, où la mise en scène garde la plus grande importance - ces détails grouillant à l'arrière plan - ; pensé, réfléchi, mûri dans son insolite construction.
Riad Sattouf ne loupe jamais son coup, n'a que faire de l'émotion facile : chez lui, elle n'accompagne pas l'action de ses personnages, mais simplement le film dans sa globalité, continuellement empreint d'une absolue tendresse ; advenant d'un sens du burlesque doux et gracieux, d'un détail cocasse, d'un geste maladroit. Les Beaux Gosses émeut surtout par sa modestie et sa drôlerie qui ne faiblit jamais, de sa condition de petit film fauché qui ose montrer des ados se branler devant un catalogue La Redoute datant des années 80...
Ainsi, le film ne se perd jamais dans la facilité, garde un cap, un but, s'offre des changements de ton qui confinent aux plus belles échappées oniriques. Hervé, l'un des élèves les plus moches de la classe, intéresse Aurore, l'une des plus jolies. Cet instant scabreux où l'on croit que le film va se perdre après une bonne demi-heure de rigolade interrompu, Riad Sattouf ose l'affronter avec un premier degrés essentiel : il croit en ses personnages, va les accompagner jusqu'au bout, sans ne jamais perdre du vue l'humour et le ton unique qu'il a mis en place depuis le début, avec une tendresse magnifique et presque bouleversante. Une grande réussite.