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Diantre, je connaissais la réputation propagandiste du projet, mais si je m’étais attendu à un tel ramassis de saloperies, je n’aurais sûrement pas mis les pieds dans ce guêpier qui a l’affront de durer 2h30! Et c’est uniquement à cause de sa présence dans un coffret Warner que je me le suis infligé. The Green Berets correspond exactement à l’image que je me faisais de John Wayne avant de le voir chez John Ford ou Howard Hawks, celle d’un stéréotype ‘ricain ambulant aux allures de cow-boy macho et au jeu monolithique. Eh ben il est pareil derrière la caméra.
Dès le générique introductif sur fond de chanson vantant les mérites du régiment, ça sent le sapin. On la sent bien l’odeur nauséabonde d’un discours plébiscité par le gouvernement de Lyndon B. Johnson (qui apportera son plein soutien logistique à la production), celle d’un pamphlet aussi stupide que mensonger qui va vanter les mérites de cette ingérence américain sur le territoire vietnamien. Et ça ne manque pas, puisqu’on entame le purgatoire par conférence de presse détournée de toute véritable interrogation, les journalistes haineux voyant leurs questions répondues par des techniques de diversion sur lesquelles ne rechignerait pas un Trump : homme de paille, whataboutism et analogies douteuses : on va répandre la liberté, retournez à vos gribouilles bande de pieds tendres.
Le programme est clair, c’est America, fuck yeah! C’est les gentilles bidasses venues répandre la liberté à coup de bastos dans les dents, les gentils médecins qui n’ont pas assez de temps pour s’occuper des victimes de la brutalité des Vietcongs, et les gentils hélicoptères qui arrivent tels des anges pour sauver les vertueux. Ce sont les relations paisibles et honorables avec les civils sur place, eux qui étaient bien malheureux avant l’intervention américaine. Et ce sont ces salauds de communistes qui empoisonnent leurs pièges, qui mutilent sauvagement leurs adversaires et massacrent ceux qui osent collaborer. Ces mêmes ennemis complètement déshumanisés car jamais montrés au premier plan, jamais dotés de la parole, tout juste bons à être défouraillés en masse depuis les cieux impersonnels. Pas de place pour la nuance, l'horreur est unilatérale.
En même temps, ces enfoirés ont tué le chien, et ce capitaine qui devait rentrer au pays le lendemain. Ces perfides qui ont rendu la petite mascotte du camp orpheline, ce tout mignon porte-étendard des bienfaits de l’impérialisme américain. Pour le pathos, ça envoie. Et pourtant, le ton du film est la plupart du temps en complet décalage. Entre les ambiances guillerettes des camps militaires où tout le monde est bien content d’être là pour faire du bon boulot, les sourires et boutades qui succèdent à un joli massacre, et les taquineries entre régiments à base de chourage de matos : on avait pas eu la fleur au fusil comme ça depuis 1914. Manquerait plus qu’une bonne blague misogyne qui tomberait comme un cheveu sur la soupe, du type “c’est un bijou, c’est une femme, normal qu’elle soit attirée” (on parle d’une gamine de dix ans qui sort d’une zone de guerre). On comprend que des militaires se soient marrés durant les projections du bousin.
Bon, ok, le fond est infect, au-delà du risible d’une suite de Rambo. Mais a-t-on au moins la forme d’un Birth of a Nation ou l’inventivité d’un Eisenstein? On peut faire de la propagande de belle façon après tout. Mais non, Wayne et Kellogg ne sont pas Leni Riefenstahl. Outre l’ineptie de l’écriture, c’est tout la rythmique et la réalisation qui sont à jeter. La musique par exemple, une ritournelle orientalisante (à défaut d'être vietnamienne) raciste qui débarque dès lors que l’on arrive à Da Nang, est dissonante, torchée. On a également le droit, dans un souci du détail, aux magnifiques forêts de conifères bien endémiques de l’Asie du Sud-Est dans les rares plans qui prennent un peu de hauteur. Et dès que ça s’active un peu au niveau de l’action, ce sont des mecs qui sautent avant que ne démarrent les explosions (avec cri Wilhelm en sus), ou la bande-son des hurlements qui se déclenche alors que le piège enflammé n’a pas encore été enclenché. D'inattendus ressorts comiques qui témoignent d’une production faite avec la minutie d'un mortier, et qui ne viennent malheureusement pas sauver la platitude scénique de l’ensemble. Tout juste le fan de Metal Gear en moi sera-t-il content de voir une extraction Fulton.
En fait, la problématique majeure de cette merde de tous les étages, c’est qu’elle applique le même manichéisme absolu que dans les films d’époque traitant de la Seconde Guerre Mondiale (The Longest Day par exemple). Sauf que les réalisateurs semblent conscients que ça ne peut pas du tout fonctionner, que ce conflit est bien plus compliqué. Ils se sentent donc obligés de se justifier (de piteuse manière) et de verser dans la caricature, en faisant le premier film pro-Nam que je vois, et peut-être même bien le premier film pro-guerre. Dire que ça passe quelques jours à peine après l’antithèse qu’était The Horse Soldiers.
Sur base de tout cela, je partais sur un indulgent 2, le dernier acte du film étant tout de même plus regardable car dénué de paroles. Mais ce navet me réservait une dernière surprise, cette séquence finale vomitive sur musique patriotique, coucher de soleil, et balade sur la plage main dans la main avec l’orphelin sauvé par l’Oncle Sam.
Mange ton 1.