Un coup de foudre instantané

La voix off d’une petite fille perdue dans le chaos festif des bayous de Louisiane. Sur une musique enchanteresse, elle prend conscience de son existence dans l’immensité de l’univers. La voilà qui court, un feu de Bengale dans chaque main. La musique se fait de plus en plus forte. Instantanément, nous nous retrouvons happés dans ce conte artisanal, réalisé avec trois bouts de ficelle et beaucoup de cœur. Il y a des signes qui ne trompent pas: les cinq premières minutes de ces «Bêtes du sud sauvage» suffisent à nous émouvoir aux larmes et à nous coller des frissons. Preuve qu’il s’agit ici d’une œuvre hors normes.

Huspuppy, son père et l’univers

Huspuppy a 6 ans. Elle vit avec son père dans la plus grande précarité. Lorsque la nature se déchaîne, que les glaciers fondent et que l’eau envahit le bayou, la petite fille décide de partir à la recherche de sa mère qu’elle n’a jamais connue. Mais l’effondrement de la calotte polaire menace de libérer les monstres qu’elle enfermait depuis la nuit des temps: des aurochs, sorte de sangliers géants aux allures mythologiques. Hushpuppy va devoir sauver les siens, dompter les aurochs et «recoller les morceaux de l’univers».
Quand l’imaginaire sauve le drame

Plutôt que de s’apitoyer sur la condition de ses personnages, Benh Zeitlin opte pour le salut dans l’imaginaire. Comme un fantôme, l’ombre de Katrina plane sur le film. Mais l’ouragan qui dévasta le sud-est des États-Unis en 2005 ne sera jamais évoqué. En plaçant sa caméra à la hauteur de Hushpuppy, le réalisateur transforme l’horreur en magie. Après l’apocalypse, la sauvagerie – Rousseau n’est jamais loin – est présentée comme une solution de retrouver un état naturel: simple et sublime. Filmé au cœur d’une nature tantôt apaisante, tantôt dévastatrice, le premier film de l’Américain trouve sa place aux côtés des oeuvres de Jeff Nichols et de Terrence Malick. L’horizon de fin du monde présenté dans «Beasts of the Southern Wild» peut en effet être perçu comme le lointain écho du magnifique «Take Shelter» qui inaugurait de la plus belle des manières l’année 2012.

Le plus beau film de cette fin d’année

Découvert et primé à Sundance, il a depuis raflé une multitude de prix, dont la Caméra d’Or du meilleur premier film au dernier Festival de Cannes. A sa vision, force est de constater que les jurys ne s’étaient pas trompé: «Beasts of the Southern Wild» est sans conteste l’un des plus beaux films de cette année. Du cinéma dans ce qu’il a de plus merveilleux et de plus poétique. Véritable rêve éveillé à la frontière du conte fantastique, il marque par sa grande sincérité et échappe intelligemment au banal drame social ou écolo. Narguant son manque de moyens, il s’appuie sur sa simple force évocatrice pour vous transporter vers des sommets d’émotion. Un bijou à ne manquer sous aucun prétexte. En espérant que le Hobbit lui laisse une petite place dans nos salles.
Cygurd
8
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le 5 déc. 2012

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Film Exposure

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