Attention, Audiard est au sommet dans cette comedie qui n'est rien de moins que la suite non-officielle (un "prequel" plus exactement) du Cave se Rebiffe, avec un casting all-stars et un parti pris de grivoiserie encore plus croustillant. Details ci-dessous.
Blier reprend son rôle du Cave se rebiffe avec encore plus d'auto-derision et de mimiques hilarantes, et il nous fait vivre le passé du personage dans la meme maison ou trone deja le fameux "faune"! Si cela ne vaut pas le détour pour vous, alors rien ne le vaut!
DeFunès au zenith de sa gloire (juste apres Le Gendarme, Fantomas et Le Corniaud), est plutot en retenue mais son dialogue est pour une fois au dessus du standard de ses films les plus populaires, et il en est de meme pour le casting autour de lui. Surtout, c'est son seul film un peu égrillard! Ne le manquez pas si vous êtes fan.
Autour d'eux, TOUS LES ACTEURS QU'ON ADORE : Mireille Darc aussi craquante que jamais, Dominique Darvray reprend son meilleur role, celui des Tontons, Franck Villard encore plus hilarant en maquereau qu'il ne l' était en "grand con" dans Le Cave... , et puis Pierre Bertin, Darry Cowl, Jean Lefebvre, Jean Richard tous quatre au sommet de leur talent! Aussi , la classieuse Andréa Parisy, l'espiegle Bernadette Lafont, l'inimitable Philippe Castelli et encore d'autres incluant la tres belle Yori Bertin, Hubert Deschamps et meme un Jean Carmet encore frais contribuent a ce casting incroyable qui vous tirera des larmes de rire nostalgique.
Quand aux dialogues de Audiard, ils sont le veritable clou du film. Audiard ecrivait toujours en un jet spontané (géneralement a la derniere minute ou carrement en retard), et pour cette raison la qualité de son inspiration se fit de plus en plus inegale au fur et a mesure que lui-meme etait de plus en plus demandé, les scenarios en retard s'empillant par dizaines. Le meilleur de son travail est a trouver dans les annees 60, et son effort le plus consistant reste Le Cave se rebiffe, symphonie brillante du dialogue. Cet incroyablement méconnu Les Bons Vivants trouve par la verve de sa prose sa veritable place parmis les fameux classiques tels que Archimède... , Les Tontons... , la premiere moitié des Barbouzes, Un Singe En Hiver, et certains autres. Sa plume est ici servie ici par toute une somme de talent qui s'exprime avec la classe, la legerete et l'inteligence propres a cette epoque. Comment ne pas affectionner ce peuple francais d'antan en ecoutant DeFunes declarer qu'il deteste "le poulet tutoyeur", Andréa Parisy qu'elle "ne supporte pas les caves" et Blier soupirer que c'est "la fin d'un monde"?
C'est aussi une tres belle production: la réalisation est brillante et techniquement aboutie. Les exterieurs parisiens et provinciaux sont magnifiques, les decors sont cocasses et tout le reste (musique, eclairage etc.) est superbe.
Mais ce chef-d'oeuvre mineur est resté inconnu car il peche (encore et toujours) par le scenario: il s'agit de trois sketches mis l'un a la suite de l'autre sans vertitable effort narratif. Les auteurs auraient pu facilement les entremeler le long d'une trame unifiante, ecrire une fin au deuxieme sketche laissé malheuresement en plan, et pondre un epilogue final qui aurait finit de lier ces trois histoires les unes aux autres et aurait permis au spectateur de quitter la salle satisfait. Dans cet etat brut, ces trois courts-metrages font figure de fonds de tiroirs disparates, et le public se sera senti triché. Heureusement, la voix-off hilarante rajoutée par Audiard et récitée par le génial Castelli rend ce travail inabouti merveilleusement divertissant.
Autre erreur a mon avis, le choix de ne pas assumer ouvertement qu'il s'agit d'un prequel, meme fantaisiste, au Cave se Rebiffe. De plus, le titre est completement nul, et les distributeurs lui ont meme donné un double titre (le deuxième, Un Grand Seigneur, etant pire encore!), ce qui rend la promotion du film bien incohérente. Derniere reserve, l'emploi du noir et blanc: en 1965, avec cette pleyade de grands acteurs et ces faste decors, le film aurait gagné a etre en couleurs.
Pour conclure, le scenario manque les finitions et on ne peut qu'imaginer ce que le produit fini aurait pu etre si un peu plus d'effort avait été produit lors de son ecriture. Mais le dialogue extraordinaire de Audiard et le talent des acteurs elevent cette production vers le genial. Si vous etes fans de la prose de Audiard et de la comédie Franchouillarde elegante des années 60, alors ne manquez pas ce compagnon non-officiel et presque inconnu au Cave se Rebiffe. C'est comme si vous trouviez soudain du rab de l'incroyable gâteau à la crème une fois la noce finie.
They don't make them like that anymore and they could never make them again even if they tried.