Allez Gator !
Le Mâle du cinéma américain des années 1970-1980 n’est plus. Celui qui avait pris la place de Charles Branson dans le podium des hommes virils, poitrines velues et mâchoires carrées, ce bon vieux...
le 28 janv. 2020
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Le Mâle du cinéma américain des années 1970-1980 n’est plus. Celui qui avait pris la place de Charles Branson dans le podium des hommes virils, poitrines velues et mâchoires carrées, ce bon vieux Burt Reynolds a osé casser sa pipe en 2018.
Tous ses plus grands films ont été cités, et sont ressortis du placard, au premier rang, l’inoubliable Delivrance ou Boogie Nights. Mais pas White Ligthning, alias Les Bootleggers, un titre français dont on peut se poser la question s’il a été un jour compréhensible pour le public de ce côté de l’Atlantique.
Un bootlegger, c’est un trafiquant d’alcool. Malgré la fin de la Prohibition les lois concernant l’alcool sont restées strictes dans certaines états. En Arkansas, Gator McKlusky a été condamné à la prison pour trafic de whisky. Quand il apprend que son frère a été assassiné, probablement par un shérif corrompu, il décide de passer un marché avec les fédéraux. Sa liberté, contre son infiltration du milieu clandestin de whisky , avec le shérif en bout de file. Mais Gator a d’autres projets.
Gator est un homme, un vrai. Du genre malin, un peu impertinent. Plutôt à se placer du mauvais côté de la loi que la suivre, mais malgré tout avec des principes, de l’honneur. Un Han Solo et tant d’autres, s’il n’avait pas aussi un sens aigu de la camaraderie et de la famille.
Gator est aussi un homme d’action. Il aime la compagnie féminine, et jouera un jeu trouble avec la petite amie d’un camarade. S’il le faut, il use de ses poings. Mais il est surtout doué en mécanique et en conduite, ce qui l’aidera à se faire intégrer. Les courses-poursuites ont du mordant, les voitures sont rapides et semblent instinctives comme des animaux. Au volant, Gator ne manque pas d’imagination pour ridiculiser ceux qui voudraient se frotter à lui.
Quel homme. Tout en assurance mais malgré tout faillible, droit dans ses principes, mais fluctuant avec la loi. Conducteur, homme à femmes, avec toute sa malice et son ingéniosité pour se sortir des situations périlleuses. Si Burt Reynolds avait déjà joué l’homme viril mais sympathique, ce film est le premier, il me semble, à faire coller ce cliché masculin sur l’acteur. Et on peut le comprendre, tellement Burt Reynolds semble se fondre dans Gator, il ne joue plus, il s’amuse.
A ses côtés, les autres rôles sont bien campés, bien qu’éclipsés par la figure de Gator. Burt Reynolds retrouve Ned Beaty, dans un rôle moins infamant que dans Deliverance. Il incarne le shériff sudiste odieux, sûr de son droit, maître de tout, réfractaire au vent de changement. Bo Hopkins est le trafiquant qui va intégrer Gator à son réseau, le trafiquant parce qu’il faut bien l’être. La plus méconnue Jennifer Billingsley joue sa petite amie, une femme libre, un peu cinglée sur les bords, une des meilleures interprétations du film. Même si chacun est très convaincant, dans des rôles d’hommes du Sud, avec leurs accents et leurs démarches.
Sans être forcément un spécialiste de ce que doit ressembler un état du Sud à cette époque, il est évident que la représentation est bien plus accueillante que ce qu’ont pu nous présenter Massacre à la tronçonneuse, 2000 Maniacs ou même et surtout Delivrance, toujours lui. Le cinéma d’Hollywood représente souvent les gens du Sud comme des gens un peu simples, quand ils ne sont pas idiots ou dangereux.
Ici, le Sud est un peu sale, mais pas pouilleux. Pauvre, mais débrouillard. Les relations se font à la confiance. Un monde malgré tout méfiant, et violent si on en venait à le trahir. Les relations humaines sont assez nuancées, le shériff est sûr de son droit, protéger la ville, les trafiquants le sont parce qu’il faut bien vivre. C’est un petit monde de débrouille, entre la mécanique et l’alcool trafiqué. Les maisons sont simples, encombrées d’objets de récupération, et les champs sont vastes. Les routes sont de terre, ce qui permet des courses poursuites très dépaysantes, loin du bitume habituel.
S’il faut en croire la page Wikipedia anglaise du film : « the beginning of a whole series of films made in the South, about the South and for the South », Les bootleggers inaugure une nouvelle ère, plus respectueuse de l’esprit sudiste. Il est un peu trouble sur l’activisme de l’époque, le regard est un peu dur sur la jeunesse militante. Il n’y pas de contrepoint aux paroles racistes du shériff, Gator ne veut que se venger. Cela n’en fait pas un film nauséabond, au contraire, il capte un état d’esprit dont il reste encore quelques scories, des mentalités qui ont la vie dure.
N’allons pas trop loin dans l’analyse, Les bootleggers reste un film qui ne manque pas de souffle, avec son héros au charisme captivant et ses courses poursuites bien pensées dans une petite ville sudiste, dans toute sa beauté et sa laideur. Un film sans trop de prétentions, et pourtant réalisé avec soin, avec un Burt Reynolds dans toute sa grandeur.
Le film devait être le premier film au cinéma de Steven Spielberg. J’espère que dans un autre monde parallèle cela s’est fait. Mais le film tel qu’il est ici n’a rien de déshonorant. C’est l’un des films favoris d’Archer, de l’excellente série animée du même nom, et de Quentin Tarantino. Une suite sera faite, réalisée par Burt Reynolds lui-même, continuant à forger sa légende.
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le 28 janv. 2020
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