C'est avec un plaisir teinté d'appréhension que je m'engouffre en famille dans la salle de cinéma. Je suis ravi que le Studio Laika continue son bonhomme de chemin : Ghibli a annoncé arrêter les longs, Pixar a vendu son cul et ne produit que des suites de spin-offs commerciaux, il est heureux de voir une compagnie émerger qui dispose d'une forte personnalité. Mais l'appréhension vient... Et si jamais un jour ils se plantent ? Et si c'est aujourd'hui ?!
1H40 plus tard, Les Boxtrolls n'atteint certes pas le niveau d'excellence de ses deux prédécesseurs, mais il ne dévalue aucunement l'entreprise. Des personnages aussi décalés qu'attachants, un chara-design et une architecture ébouriffants, le rythme effréné et l'ambiance musicale du tonnerre concourent à faire du film une éclatante réussite du genre... Simplement il est un peu trop explicatif par moments, ce qui gâche certaines surprises.
Et tout du long, son discours n'est pas aussi percutant qu'il le pourrait. En fait de thème majeur développé, on a une tripotée d'indoines interrogations qui se télescopent à tout bout de champ. Les hommes de main du vilain parlent de déterminisme dans la lutte du bien contre le mal, la fille Winnie évoque les bienfaits d'une paternité bien gérée, quant à Eggs il symbolise ouvertement l'exotique paria qui, s'ouvrant au monde, va le changer à jamais...
Mais quand vient le moment de boucler le film, toutes ses petites étincelles de dissertations fusionnent et entretiennent un mot de la fin pour le moins génial.
Le vilain Snatcher a passé dix ans de sa vie dans une quête chimérique d'ascension de l'échelle sociale, pensant forcer la main aux habitants de Cheesebridge pour gagner son chapeau blanc et déguster du fromage. Or il est mortellement allergique au fromage...
De son côté, Eggs a appris aux Trolls que leurs boxes ne leur sont pas indispensables, qu'ils peuvent cesser de vivre cachés.
Dans les deux cas, un changement de nature forcé par la volonté, qui aboutit à une acceptation des Trolls en surface et à l'accession du vilain au club des dégustateurs de fromage. Oui, le vilain n'est pas puni de mort par la populace en colère ni par un vaillant héros. Il cloue son cercueil lui-même par pure ambition, et laissera à jamais son emprunte dans toute la ville...
J'espère de tout cœur que ce film connaitra le succès qu'il mérite, sans quoi Laika ne pourra en financer d'autre... Allez donc le voir en masse !