J'attends ardemment chaque film du studio Laika en salles.
J'attendais donc Les Boxtrolls en 2014. Comme j'ai attendu le sublime Coraline en 2009 et le formidable L'Etrange Pouvoir de Norman en 2012, qui a failli faire couler la boîte de ses talentueux géniteurs.
Car chaque film est la promesse d'un voyage, d'originalités, d'univers travaillés et de la beauté poétique d'une stop motion qui s'éteint lentement dans une certaine indifférence, victime de la mode de l'animation 3D.
Les Boxtrolls ne déroge pas à cette règle tacite, avec tout d'abord et de manière évidente, l'incroyable beauté visuelle de l'oeuvre et son souci constant de la minutie et du détail. Le ravissement est au rendez-vous, que ce soit dans le monde de la surface ou encore dans les égouts transformés en véritable lieu de vie en forme de bric à brac de brocante, aux discrets accents steampunk délicieux. Au point que les yeux ne sauront plus où donner de la tête en plus d'une occasion.
Oui, cette fois-ci, le public visé a semble-t-il été un peu rajeuni. En témoignent par exemple le design mignon des créatures ou l'aspect des petits héros. De la même manière, l'atmosphère générale du film pourra rappeler le conte du joueur de flûte d'Hamelin, tout comme les univers dessinés par Roald Dahl ou encore Charles Dickens. Tandis que les thématiques de l'oeuvre demeurent classiques, mais pourront prendre à l'occasion un niveau de lecture un peu plus adulte quand le film s'intéresse à l'oppression, à la peur de l'étranger, à la façon de s'en débarrasser ou encore de le dépeindre, avec toutes les sales rumeurs le concernant et tous les maux dont on peut l'accabler.
Il y aura aussi beaucoup d'inventivité et nombre de saillies décalées, comme l'attitude de la jeune Winnie, un brin psychopathe, ou encore ces petites digressions amusantes et philosophiques glissées çà et là par les sbires du méchant de l'histoire, faisant pointer de temps à autres un aspect méta bienvenu.
Mais ce qui restera le plus en mémoire chez ces Boxtrolls, c'est la volonté des deux réalisateurs, Graham Annable et Anthony Stacchi, de livrer un joli film sur la perception enfantine du monde des adultes. Un monde factice gouverné par les artifices les plus primaires du statut social. Un monde peuplé de grandes personnes dérisoires, investies de leur importance, de leur raffinement fromager tout aussi ampoulé que non-sensique, et de leur petit égoïsme. Un monde où il ne fait décidément pas bon grandir.
Un monde qui, cependant, sert de magnifique cadre à une aventure échevelée et de porte voix à la déclaration d'amour du studio au genre fantastique qui caractérisait déjà Norman et Coraline. Avec des mots et des images à la fois tendres et candides.
Behind_the_Mask, carton-pâte (fleurie, svp...).