Bon ce film ne m'a jamais fait rire mais je voyais bien confusément qu'il avait des qualités. Alors hier soir il passait à la télé, je m'y suis collé et même s'il ne me fait toujours pas rire je dois admettre que c'est plutôt un bon film et je félicite les Français de lui avoir fait bon accueil à l'époque (du haut de mon tabouret).
Plus qu'une comédie c'est une satire, grinçante, moralement violente, presque une charge.
Mais une charge contre quoi ? Contre le Club Med ou les habitudes mesquines et hypocrites des beaufs qui vont en congé payés ? Non non, ça n'est pas ça. Le sujet est plus viscéral.
D'abord passons vite fait sur l'humour, il n'est question que d'humiliations à des degrés divers (Jugnot se faisant tabasser par un masseur noir sous le regard goguenard de Lhermitte et Clavier est assez éclairant sur le sujet et on dirait bien que la scène est réelle car le jeu est parfait) les déboires de Michel Blanc, éternelle victime presque survivant d'une totale mise au banc de la société sur le plan sexuel sonne sinistrement juste et pousse aussi loin que possible l'opprobre. si ils avaient été un peu plus loin on changeait carrément de genre de films (encore que des Gastanbide ou des Philippe Lacheau y parviennent en mettant la scatologie au service de la vanne) les autres comédiens font de leur mieux pour décrocher un coup d'un soir mémorable qui finit comme de juste en humiliation,
En poussant on pourrait y voir une condamnation morale de leur légèreté (particulièrement évident pour Lavanant qui finira seule, punie d'avoir lâché la proie pour l'ombre,),
Seul Lhermitte n'est pas égratigné mais il semble évident qu'il n'existe que pour contraster avec les autres. Il est le mâle alpha qui saccage les maigres chances des autres hommes juste pour asseoir sa supériorité, atteint par une certaine lassitude des conquêtes féminines qu'il ne semble plus collectionner que par une sorte d'habitude mécanique dénuée d'envie.
L'écriture est finalement assez proche du néo-réalisme italien tardif (je pense à Dino Risi) détruisant les égos un par un dans un scrupuleux souci d'injustice totale dont seul Lhermitte profite au mépris de toute conduite honorable de sa part.
Il semble utile de rappeler que d'après la légende, chaque comédien a écrit ses propres parties (mouais, pour Clavier dont on connait les talents d'écriture j'y crois moyen) et l'on devine dès lors assez facilement ceux de la bande disposant le plus d'auto-dérision.
L'écriture justement semble assez féminine de mon point de vue, les personnages féminins étant généralement assez bien écrits (ce qui est rare) tandis que la causticité générale stigmatise plus volontiers leurs faiblesses touchantes vis à vis du beau gosse musclé au sourire ravageur que leur cruauté pourtant patente vis à vis des autres hommes (perçue comme tout à fait naturelle et ne se prêtant pas le flanc à la caricature, c'est un point de vue qui peut sembler biaisé).
La pièce originale se nommait Amour, Coquillages et Crustacés remettant la chose amoureuse au cœur du sujet et renvoyant à Bardot évidemment mais aussi au cinéma néo réaliste italien encore puisque Balasko (qui semble centrale dans cette écriture bien qu'elle n'en ait jamais réclamé la maternité à ma connaissance) en référence avouée à Pain, Amour et Fantaisie de Luigi Commencini, comédie romantique légère avec De Sica et Lollobrigida brillant d'une écriture extrêmement naturelle et réaliste.
Alors, le thème central, quel est-il ?
En fait c'est assez évident quand on s'en rend compte, il n'est question que de l'injustice naturelle inhérente à l'intérêt amoureux,
Le thème est traité de toutes les façons possibles et c'est autour de cette question que s'articulent les déboires de nos héros, attachants et pathétiques dans leurs efforts à vouloir contourner des lois incontournables qui se changent irrémédiablement en rapports sociaux directs et primitifs, le cadre des vacances organisées permettant de remettre les compteurs à zéro niveaux rapports sociaux (Rego est reconnu comme un transfuge du monde salarial tentant de se réinventer en tant que comique malchanceux) pour mieux dégager les gagnant.e.s des perdant.e.s c'est à dire tous sauf Lhermitte au final.
Le film se paie le luxe de profiter pleinement de tout ce qu'il semble dénoncer, le soleil, les vacances, les cocotiers, les corps quasi nus tout le long, la bonne humeur artificielle poussée à coups de chansons débiles de blagues volontairement lourdingues, etc.
En somme on a la saveur de la comédie satirique à l'italienne et la complaisance du cinéma hollywoodien, la violence physique en moins mais largement compensée par la violence morale.
Le jeu des comédiens largement travaillé en amont (pièce de théâtre ayant connu le succès + trois ans au club Med en tant qu'animateurs et comédiens) est absolument irréprochable et très caractérisé puisqu'ils se jouent eux mêmes d'une certaine façon. De plus le fait d'avoir pu se familiariser avec eux à travers les nombreux films et interviews donnés depuis nous les rend sympathiques, du moins assez proches et ajoute encore du capital à leur jeu.
Leconte n'est pas encore à son meilleur mais il a su se faire oublier pour donner au Splendid le film exact dont ils rêvaient, mission pleinement accomplie.
Globalement le film a énormément de qualités et s'avère très valable, simplement il n'est en réalité pas drôle sauf à jouir des humiliations que subissent tous ces personnages tout au long de son déroulé. La photographie ensoleillée, les sourires forcés mais constants et la musique joyeuse se chargent de le faire passer pour une comédie positive. Et manifestement ça a marché sur beaucoup de Français.