Pourquoi cette affirmation péremptoire ? Car il convient en premier lieu de saluer le remarquable travail effectué sur la bande-son du premier long métrage de fiction du réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho. Rater le film au cinéma, c’est manquer plus de la moitié de l’effet produit.
L’action, plutôt que de se situer à Recife, est davantage focalisée sur le paisible quartier de Setúbal, où le mètre carré est aussi cher que les tours sont hautes. Ce sont plutôt les bruits du voisinage (la véritable traduction du titre portugais : O som ao redor) que le cinéaste nous donne à entendre en mettant en scène le quotidien de son propre quartier. C’est donc tant son histoire que ses histoires, ses bruits, ses rumeurs mais aussi ses couleurs, qui font le sujet du film.
Ce quotidien est filmé dans ses aspects les plus banals et triviaux, comme les plus enfouis, à la manière d’un Clouzot dans Le Corbeau, ou d’un Lars Von Trier dans Dogville. Car si le film n’est porté par aucune véritable intrigue, et préfère suivre une poignée d’habitants, sa mise en scène n’en est pas pour autant naturaliste. Au contraire, le cinéaste nous plonge, dès la scène d’ouverture, dans une atmosphère angoissante, tendue en permanence par la puissance de sons récurrents qui dramatisent des scènes en apparence insignifiantes. Le travail sonore est ainsi mis au service d’un étonnant suspense qui, bien que contredit par l’action, laisse néanmoins planer un danger imminent dans chaque scène. Cette tension permane tout au long du film, et ne trouve son explication partielle que dans l’explosion chromatique et auditive d’un dénouement magistral. Elle est avant tout la manifestation des craintes de résidents engoncés dans leur paranoïa sécuritaire. Mendonça Filho cloisonne ses personnages à travers les multiples grillages, clôtures, barreaux et autres dispositifs de protection du quartier, quand ce n’est pas à travers le carrelage de l’architecture hygiénique et moderne d’une ville en pleine prospérité économique.
Car, comme souvent dans le cinéma brésilien, le film possède également une indéniable portée sociale, dans sa représentation d’une classe moyenne privilégiée. Chacun connaît et respecte ses domestiques, mais vit dans la crainte permanente d’un retour du refoulé. C’est en effet une société extrêmement cloisonnée et hiérarchisée qui est donnée à voir, dans laquelle les esclaves du passé hantent les murs de la ville et les agents de sécurité d’une entreprise privée, sorte de liant de l’action, rôdent la nuit pour rassurer les résidents.
Kleber Mendonça Filho nous laisse alors écouter son voisinage, suggérant ici ou là des histoires de vengeance, d’amour, de conflits, mais dont les raisons ne sont jamais explicitées par le film. Ce premier long métrage nous fait donc passer deux heures dépaysantes, au cœur des manifestations sociales et quotidiennes d’un quartier hanté par le passé, pétrifié par l’éventualité d’une violence future, et tendu par l’imminence d’un présent sans cesse menacé et menaçant.
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