Enorme blockbuster avant l'heure, "Les canons de Navarone" était à son époque LE film à gros budget de l'année qu'il fallait voir. Mais difficile de ne pas y voir de nos jours l'énorme supercherie qu'il est.
D'abord parce que cette histoire de canons à Navaron (lieu qui n'existe pas) n'a jamais eu lieu durant la guerre. L'histoire est totalement fictionnelle et relève plus d'un roman d'espionnage de gare à 10 balles que des faits historiques. Faire un film de guerre à grand budget qui ne soit pas un hommage aux grandes batailles historiques était une première à l'époque.
Le point de départ de cette production se révèle du plus pur opportunisme. Son producteur Carl Forman, lors d'une visite en Grèce, se voit offrir la plus complète coopération de l'armée grecque pour un tournage d'un film de grande envergure. L'occasion est trop belle. Une telle offre ne se refuse pas, à une époque où les effets spéciaux numériques n'existe pas et où les reconstitutions militaires coutent une fortune.
Il n'y a pas eu de grande bataille en Grèce durant la seconde guerre mondiale ? Peu importe. On invente une histoire d'espionnage autour de canons qui n'ont jamais existé (si ce n'est sur la côte Atlantique). On réunit un casting internationale pour former un commando où chaque nation trouvera son représentant pour mieux vendre le film.
Les chars grecs ne ressemblent pas à des Panzer ? Peu importe. Un coup de peinture et personne n'y verra rien (sauf les historiens).
Enfin il faut un film qui dure looooooooongtemp pour faire sérieux. Avec un entracte si possible. Ca fait plus classe. Sauf que le scénario est fait pour un film de 1h30 au mieux. Il va falloir écrire plus de dialogues pour délayer la sauce au plus long et tourner des séquences d'effets spéciaux interminables. Comme cette tempête qui n'en fini pas alors qu'elle ne fait qu'une ligne dans le scénario original.
Les effets spéciaux eurent donc la part belle dans le film et furent récompensés par un Oscar à l'époque, mais il faut avouer qu'une bonne part de ceux-ci ont assez mal vieillis. Les maquettes ne font plus illusion de nos jours et certains procédés sont devenu assez risible (comme l'escalade de la falaise, filmée au sol en studio).
Au final, sous ses airs de film triple A à grand spectacle, "Les canons de Navarone" n'est qu'un film de série B gonflé avec un budget indécent, des effets spéciaux et un casting international. Une recette qu'un certain Bruckheimer reprendra comme fond de commerce quelques décennies plus tard...
Le succès aurait du donner une suite en 1967 ("L'ouragan vient de Navarone"), mais il faudra attendre 1978 pour que le film soit réalisé par Guy Hamilton avec un nouveau casting.