Nominé pour sept oscars, Les Canons de Navarone n’obtiendra que celui des effets spéciaux pour Bill Warrington. Mérite-t-il sa réputation de Grand film, qu’il justifie par ses stars, son budget et sa durée (161 minutes).
Nous tenons là l’archétype du film de commando : une unité est envoyée au sacrifice pour une mission impossible. Tiré d’un roman d’Alistair MacLean, le scénario est signé Carl Foreman, l’une des victimes du maccarthysme, à qui l’on doit notamment Le train sifflera trois fois, La bête s'éveille ou Le Pont de la rivière Kwaï. L'exposition est interminable. Deux mille soldats britanniques risquent la mort en 1943 (en fait la captivité) si un convoi ne passe pas les prendre avant la fin de la semaine, or deux gros canons barrent le chemin. Pourquoi se donner tant de mal ? Il suffisait d’affirmer avec autorité que le l’objectif était capital, on gagnait une demi-heure. Les pièces de marine sont juchées au sommet d’une falaise de 120 mètres et mieux gardées que les joyaux de la Couronne. Le boss réunit un commando de six gaillards. Deux tueurs grec et espagnol, un commandant britannique et trois stars. Quand l’autorité est confiée à un relatif inconnu (William Sabatier), c’est que son destin sera cruel. Le caporal Miller (David Niven) est un parfait gentleman, professeur de chimie en temps de paix et expert en explosifs, il refuse toute promotion ou responsabilité, déteste la guerre et ses cruautés. Le colonel grec Andrea Stavros (Anthony Quuen) a perdu sa brigade, sa famille et sa patrie et n’aspire qu’à la vengeance. Le capitaine polyglotte et alpiniste Keith Mallory (Grégory Peck) était un beau gentleman, jusqu’à un sauf-conduit proposé à un adversaire allemand et employé par ce dernier à massacrer la population d’un village grec, dont la famille de Stravos, qui a juré de le descendre. Voilà qui complique notre affaire !
Le film est trop long. Les scènes d’action sont brèves. Bien que réelle ; on détruit, torture et exécute ; la violence est seulement suggérée. Les Allemands meurent sans broncher, se jetant avec bonne volonté sous les balles britanniques. Il suffit de comparer avec Inglourious basterds pour contempler le chemin parcouru en un demi-siècle. Les effets spéciaux, couronnés par Hollywood, ont vieilli. On sourira devant les délicates maquettes et les grosses tempêtes… Nous devons au réalisateur britannique J. Lee Thompson une longue série de « série B ». Tout de linéarité, son montage est d’une rare simplicité, sauf dans les dernières scènes, quand le commando se scinde en sous-groupes.
Entre deux combats, on parle, beaucoup. Grecs, Allemands et Espagnol s’expriment, même entre eux, dans un anglais parfait, ce qui simplifie notre compréhension des débats. Nos guerriers conversent de stratégie et de tactique, mais surtout de leurs états d’âme, ou de leur absence de scrupules. Quel sort infliger au compagnon blessé qui ralentit la marche et condamne la mission ? Comment juger un traitre ? Comment rester humain quand la sauvagerie nous emporte ? Vaste question.