Dans un noir et blanc cafardeux, Godard réalise, à sa façon, ce qu'on peut appeler un film de guerre, ou plus précisément un film sur la guerre. Ainsi deux jeunes types mobilisés par le Roi enfilent l'uniforme et prennent part à un conflit planétaire et obscur n'ayant évidemment sur la forme aucun caractère réaliste.
Godard n'a pas l'ambition, le goût et les moyens de réaliser une oeuvre hollywoodienne dont justement il prend le contre-pied, car "Les carabiniers" sont une réaction aux films de guerre classiques américains généralement portés à transcender les combats et à en édulcorer la férocité. Godard remet les choses à leur place. Sa guerre à lui est certes une affaire d'escarmouches cocasses et d'une bande-son composée de bruits de fusils et de mitraillettes; mais, au moyen de mots et de dialogues impertinents, de panneaux de textes insérés dans le récit et d'images d'archives, le cinéaste dit ce qu'est la guerre: une boucherie où le soldat est par ailleurs autorisé à assassiner, violer et voler.
Toutes les idées de Godard ne sont pas lumineuses, d'autant que sa réalisation, elle aussi, s'autorise tout, s'affranchit des règles: un montage anarchique, des faux raccords, une interprétation anachronique, des digressions, etc, etc... Du Godard iconoclaste tel qu'il rebute ou fascine, espiègle et inventif, torpillant tout à la fois les lieux communs du sujet abordé que les conventions de son art.