Sur les routes de l'exode en juin 1940, la petite Paulette voit ses parents et son petit chien mourir sous le mitraillage des avions allemands. Effroyable séquence, d'une tristesse absolue, au terme de laquelle la gamine de cinq ans est seule au monde. Son chien mort dans les bras, Paulette erre dans la campagne jusqu'à sa rencontre avec Michel, une jeune garçon dans la famille paysanne duquel elle trouve refuge.
Entre réalisme et lyrisme, le film de René Clément bouleverse, indissociable de sa petite comédienne Brigitte Fossey dont le visage blond, la voix, les mots simples d'enfant nous touchent et nous charment, en même temps que nous accable le malheur de l'orpheline, illustration de l'injustice et de l'innocence foudroyée. Le duo qu'elle forme avec Georges Poujouly, en Poil de Carotte espiègle, injustement éclipsé par le rayonnement de Brigitte Fossey, est remarquablement dirigé par Clément.
Marquée par la terrible épreuve, Paulette se livre avec son camarade Michel à des jeux "interdits" et macabres en entretenant un cimetière pour animaux, qu'au besoin les enfants mettent à mort, qu'ils embellissent de croix volées.
Ce qui n'est pas sans créer des incidents cocasses dans le village. A cet égard -et on l'avait peut-être oublié- au-delà du drame initial, le film est aussi une chronique rurale pittoresque dans une famille de paysans pauvres et frustes, avares en effusions. Cet aspect-là du film nous détourne un peu de la mélancolie (accentuée par la musique célèbre de Narcisso Yepes) mais Clément nous y ramène dans le dernier plan du film, particulièrement émouvant,
où Paulette en pleurs, livrée à elle-même, fend une foule indifférente, occupée à ses propres déboires.