LES CENT CAVALIERS, tourné en 1964, est sorti en France très tardivement en 1971, distribué par des margoulins qui l’amputèrent de presque une demi-heure, vraisemblablement pour ne pas avoir à diminuer le nombre des séances dans les salles, et le rebaptisèrent LE FILS DU CID afin de profiter du succès du film d’Antony Mann avec Charlton Heston, LE CID. Titre mensonger et absurde puisqu’une des séquences du film permet de situer l’action en l’an Mil, donc plus d’un siècle avant l’existence du Cid. Grosse coproduction réunissant l’Italie, l’Espagne et la RFA, LES CENT CAVALIERS, dont le sujet est la reconquête de l’Espagne occupée par les arabes, par les chrétiens, aurait dû s’inscrire dans le cadre d’une propagande nationaliste et chrétienne voulu par le gouvernement franquiste. Vittorio Cottafavi, homme de gauche marqué notamment par la lecture de Marx et de Brecht, ne l’entendait pas de cette oreille. Le film n’épargne personne et montre qu’il y a des « bons » et des « méchants », des imbéciles et des gens avisés, de la bassesse et de la grandeur d’âme dans les deux camps. Cottafavi mêle le drame et le burlesque, et établit une distanciation brechtienne qui se manifeste dès l’ouverture du film dans la remarquable séquence où un peintre présente l’action en s’adressant directement au spectateur et, sur ce point, il est intéressant de voir aussi l’étonnante bande annonce originale. « J’ai pu concrétiser les idées brechtiennes dans un cinéma-spectacle, chose très difficile… en adaptant les idées de Brecht, je devais espérer que le spectateur ne prenne pas parti, reste distancié par rapport à ce qu’on lui montrait » déclarait Cottafavi dans un entretien avec Bertrand Tavernier (Positif, n° 100/101, décembre 1968). Le film comporte ainsi des procédés assez inhabituels dans ce genre de cinéma populaire, comme le passage du splendide technicolor au noir et blanc, quand la bataille finale tourne au carnage et à la mort, ou l’étonnante séquence sur le commerce du blé où sont mis à jour les rapports marchands. Les références à la Commedia dell’arte et au Don Quichotte de Cervantes sont aussi nombreuses. Il n’en reste pas moins que LES CENT CAVALIERS est aussi un film d’action, souvent spectaculaire, avec des travellings suivant les charges des cavaliers dignes de John Ford, des plans superbes notamment celui d’un petit convoi qui se transforme en armada en un seul plan sur toute la largeur du Techniscope, et une très belle photo de Francisco Marín. Le film se termine par un message pacifiste montrant qu’une cohabitation est possible, message symbolisé par le mariage du fils du cheikh avec une castillane chrétienne. Malgré toutes ces qualités, le film fut un échec en salle, et fut le dernier film de cinéma de Cottafavi qui, déçu, se tourna vers la télévision. Le film est édité en combo blu-ray/DVD dans sa version intégrale et dans une très belle copie chez Artus films avec, en bonus, une très intéressante analyse du film par François Amy de la Bretèque.

Jean-Mariage
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le 9 mars 2021

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