Cette superproduction est adaptée du roman de Jean Lartéguy, ex-militaire français puis correspondant de guerre pour Paris-Match, et enfin romancier spécialisé dans les guerres contemporaines. Les personnages sont imaginaires mais largement inspirés d'événements vécus par Lartéguy, qui a côtoyé ces "centurions" des guerres d'Indochine et d'Algérie. Tournée en grande partie en Espagne entre Malaga et Almeria où furent reconstitués des villages algériens et plusieurs décors, la production est américaine mais avec une part financière française, d'où le fait que l'on retrouve pas mal d'acteurs français autour d'Anthony Quinn qui incarne un colonel français d'origine Basque.

On trouve Alain Delon, Maurice Ronet dans des rôles conséquents, Michèle Morgan dans un rôle plus discret, Jean Servais en général rigide, Jacques Marin, Grégoire Aslan auxquels se joignent Claudia Cardinale et George Segal dans des rôles assez importants. La justesse de l'interprétation (surtout Quinn, Delon et Ronet) apporte justement beaucoup de crédit et donne une indiscutable vérité aux personnages.

Ancien monteur d'Orson Welles et auteur dans les années 50 de films à thèse s'attachant à des problèmes de société, Mark Robson reste étrangement méconnu des cinéphiles, on lui doit 2 excellents films sur la boxe : le Champion en 1949, et Plus dure sera la chute en 1956, de même qu'il a livré quelques films de guerre de qualité, dont le meilleur est sans aucun doute L'Express du colonel Von Ryan tourné juste avant les Centurions en 1965 (c'est aussi un de mes films de guerre préférés). Sa mise en scène ici est très nerveuse et solide, on sent que le gars a du métier et sait bien diriger ses acteurs. Se gardant de dénoncer les excès commis par les troupes françaises ou par l'armée de libération, afin de ne pas heurter la part de production française, Robson mélange dans une tradition bien hollywoodienne, l'action propre au cinéma d'aventure et la réflexion psychologique du film dramatique. Il stigmatise habilement la folie de la guerre et montre l'inévitable escalade d'atrocités qu'elle provoque. Alors que le roman de Lartéguy portait un jugement sévère sur les dérives du système colonial, le film n'en montre qu'une petite partie pour atténuer une violence déja bien présente, le film se montre étonnamment violent par rapport à d'autres films de guerre américains. Il faut dire que la guerre d'Algérie rarement montrée de front à l'écran, n'avait pas cet héroïsme qu'on était habitué à voir dans des films hollywoodiens.

Ceci dit, ce parti-pris violent donne aussi une plus grande acuité au propos et accentue le réalisme. La partie psychologique est intéressante car on s'aperçoit surtout que la torture, la délation, la menace, les embuscades et les "saloperies" en tous genre vont soit cimenter l'amitié de ces soldats, soit au contraire, les opposer. C'est ainsi que le capitaine Esclavier incarné par Delon comprend peu à peu que moralement, il n'appartient plus à l'unité de ces combattants qui de part et d'autre, sont prêts à tout sacrifier pour la victoire. A la fin du film, on le voit partir seul dans les rues d'Alger en quête d'un autre destin.

Le film s'ouvre sur une première partie relativement courte mais édifiante concernant la guerre d'Indochine, avec la défaite de Dien Bien Phu, ça permet aussi d'introduire les personnages principaux et de montrer leur rapport à la guerre, qu'ils vont enchaîner ensuite en Algérie. Les Centurions n'est sans doute pas un grand film, mais c'est un film de guerre mêlant action et psychologie suffisamment efficace pour qu'on s'y intéresse.

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le 31 mai 2024

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