Ce n'est malheureusement pas un mystère, le pouvoir en place dans l'ancienne Perse contrôle sévèrement tous les moyens d'expression culturelle, cinéma et musique en tête. On ne compte plus les cinéastes exilés en Europe ou aux Etats-Unis, les musiciens emprisonnés à la sortie de leurs concerts.

La gageure de Bahman Ghobadi ressemble alors à une double peine : filmer, dans un laps de temps ultra-court de trois semaines, les tribulations de deux musiciens d'indie-rock interdits, Ashkan et Negar, dans leurs tribulations pour former un groupe et quitter l'Iran, le concert devant servir à financer leur départ.

Sur le fond, on ne peut pas reprocher grande chose à ces Chats Persans. Le film dépeint sans ambages une société sévèrement muselée, où les femmes doivent rentrer dans le rang, et les hommes se soumettre. Les jeunes gens dont on suit les pérégrinations ne sont effectivement pas de dangereux révolutionnaires, mais simplement des musiciens avides de jouer. Dont les textes sont doucement contestataires. C'est déjà trop.
De plus, la misère gangrenant la ville de Téhéran, et le pays en général, n'est pas laissée de côté. Elle est là, tapie derrière l'apparence d'une ville en pleine expansion, où ruissellent les pétrodollars, révélateur d'un régime en échec, qui n'a réussi ni à s'éviter les vicissitudes passées des Shahs, ni à en améliorer le bilan économique. Ce sont ces mendiants, ce sont ces familles jetées dans les ordures, ce sont ces bidonvilles adossés aux déchetteries.
Et la musique est de qualité, et, mérite appréciable, elle est brasse large dans son panorama des productions, du métal au rap, en passant par l'indie-rock, le reggae, un chant plus traditionnel, régional ...

Par contre, sur la forme ...

On peut penser que le tournage clandestin, dans l'urgence, n'est pas étranger aux lourdeurs factuelles. Mais le film est en fait une longue succession de clips, montés à la machette, sous cocaïne. C'est vraiment dommage, car les personnages sont intéressants en diable, relativement variés, on aurait envie d'en apprendre plus sur chacun. De plus les acteurs (amateurs !), sont exceptionnels de la première à la dernière seconde. Mention à Hamed Behdad, qui doit pourtant se coltiner un personnage (Nader), qui ressemble à une version persanne (et un peu plus grande que l'originale ...) de Léo Getz. Il ne devient vraiment supportable que vers la fin de la pellicule, et plus particulièrement à l'occasion d'un tour de chant splendide.
On peine donc à se sentir captivé par ce film, qui nous entraîne toujours sur un faux rythme.

Il serait dommage de le vouer aux gémonies pourtant. Parce que, encore une fois, la bande son est remarquable. Et puis, parce que le farsi est une langue sublime. Et, malgré le ton sérieux et douloureux de son message, cri un peu désespéré d'une jeunesse embastillée, il s'autorise un humour rafraîchissant, un second degré bienvenu.

Un film peut-être pas à voir, mais à écouter sûrement.
Pedro_Kantor
6
Écrit par

Créée

le 3 févr. 2011

Critique lue 665 fois

12 j'aime

Pedro_Kantor

Écrit par

Critique lue 665 fois

12

D'autres avis sur Les Chats persans

Les Chats persans
Pedro_Kantor
6

Iran d'oignon

Ce n'est malheureusement pas un mystère, le pouvoir en place dans l'ancienne Perse contrôle sévèrement tous les moyens d'expression culturelle, cinéma et musique en tête. On ne compte plus les...

le 3 févr. 2011

12 j'aime

Les Chats persans
Pimprenelle
4

Bon thème mais mal foutu

Les chats persans c'est un peu un gachis. Le pitch était prometteur: une bande de djeunz monte un groupe rock en Iran, répete et joue dans les caves sans se faire gauler, avec comme plan de fuir à...

le 30 oct. 2010

9 j'aime

2

Les Chats persans
takeshi29
5

Socialement passionnant

Si ce film est socialement passionnant, musicalement riche, il a tout de même une faiblesse de taille : son maniérisme, ses tics clipesques qui en font un objet cinématographique limité. Edit au...

le 6 oct. 2011

8 j'aime

5

Du même critique

True Grit
Pedro_Kantor
5

True Perdu

Après les déceptions Ladykillers et Intolérable Cruauté, les frères Coen avaient rectifié le tir avec le très acclamé No Country for Old man, et deux belles réussites comiques, Burn after Reading, et...

le 14 mars 2011

30 j'aime

2

La Commune (Paris 1871)
Pedro_Kantor
9

Télévision de l'Histoire

En cette année des cent quarante ans du soulèvement populaire de la Commune de Paris, on se prend à rêver d'une rediffusion de cet ample documentaire de Peter Watkins (sur Arte, où il avait été porté...

le 8 mars 2011

28 j'aime

4

Black Swan
Pedro_Kantor
3

Swan toi bien Darren

Bon, c'est vrai, quand on voit "Par le réalisateur de Requiem for a Dream et The Wrestler", on flaire un peu l'arnaque. Bon. Ensuite, on peut se faire matraquer à coups de bande-annonce à chaque fois...

le 10 févr. 2011

28 j'aime

15