Ce film muet britannique réalisé par le tout jeune Hitchcock, alors âgé de 26 ans, est presque plus intéressant en ce qu'il constitue la matrice prototypique hitchcockienne que de par son contenu, un thriller Inspiré de l’histoire de Jack l’Éventreur baignant dans la brume londonienne autant que dans l'héritage de l'expressionnisme allemand, certes bien exécuté, mais qui ne confine pas à l'extase, loin de là. C'est très étonnant, mais presque toutes les lubies du réalisateur sont là, clairement exposées ou en germes : la lien intime qui unit sexe et meurtre, la passion et la mort (Eros et Thanatos dirait-on dans un cahier institutionnel), et même un certain attrait pour les chevelures blondes qui annonce "Vertigo" en poussant un peu le trait. Très drôle, ainsi, de voir se dessiner les formes et les obsessions de Hitchcock sous le prisme de l'expressionnisme.


Le plus détonnant, dans ces 90 minutes, c'est bien ce final sorti de l'espace, anormalement heureux, évidemment imposé par la production — Hitchcock aurait souhaité une fin moins conventionnelle et surtout plus trouble, en faisant du prétendu innocent un criminel en puissance. Il est en outre plus aisé de pardonner à un film muet de 1927 son exagération dans le ton et ses excès en matière de faux coupable, lorsqu'il se fait démesurément insistant sur le trouble causé lorsque l'étranger, le lodger du titre original, pénètre dans la maison. À l'inverse, il y a de quoi être agréablement surpris en termes de maintien de la tension, qui conserve un niveau constant jusqu'à la fin sans jamais avoir montré ou même révélé l'identité du tueur. Il n'y a pas de lourdeurs à ce niveau-là. Mieux, il y a cette scène qui annonce celle de la douche dans "Psychose", dans laquelle le jeune Hitchcock s'amuse à déshabiller l'actrice principale dans les vapeurs d'eau chaude de sa baignoire. Quelques accès de symbolisme, aussi, notamment à travers la croix que forme l'ombre du bois d'une fenêtre sur le visage de l'innocent lorsque tout le monde l'accuse, ainsi que sa position quasiment christique alors qu'il est suspendu à une grille au milieu d'une foule vindicative.


À noter l'existence d'une piste audio à ranger dans la catégorie des travaux artistiques réalisés sous LSD, qui accompagne les images avec de la pop anglaise moderne.

Créée

le 27 août 2020

Critique lue 143 fois

8 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 143 fois

8

D'autres avis sur Les Cheveux d'or

Les Cheveux d'or
Docteur_Jivago
8

Premier grand Hitchcock

Dernier film du maitre du suspense qu’il me restait à visionner et c’est avec une certaine pointe de mélancolie que je me dis qu’excepté quelques épisodes de la série TV je ne découvrirais plus rien...

le 6 juin 2014

25 j'aime

4

Les Cheveux d'or
Morrinson
6

Proto-Hitchcock

Ce film muet britannique réalisé par le tout jeune Hitchcock, alors âgé de 26 ans, est presque plus intéressant en ce qu'il constitue la matrice prototypique hitchcockienne que de par son contenu, un...

le 27 août 2020

8 j'aime

Les Cheveux d'or
Chavia
9

Un vrai gentleman ce locataire, même si il est un peu étrange...

Rappelons le contexte de visionnage : une grande et belle salle de cinéma, une place idéalement située… et un orchestre. Un ciné-concert au top pour mon premier Hitchcock ! Alors autant dire que...

le 8 oct. 2014

4 j'aime

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11