État de piège
Quel que soit le sujet qu’il aborde, Peckinpah n’a eu de cesse d’illustrer ce que l’individu peut avoir de plus mauvais : en décapant le glamour des amants criminels dans Guet-Apens, des héros du...
le 22 mars 2017
68 j'aime
4
Sam Peckinpah est le cinéaste de l'inéluctable. C'est également un réalisateur froid qui renvoie ses spectateurs à leurs peurs en plaçant immanquablement ses personnages dans des situations qui quelle qu'en soit l'issue, ne peut que les avilir.
Le moins que l'on puisse dire est que Les Chiens de paille n'échappe pas à la règle, bien au contraire.
David (Dustin Hoffman), un mathématicien américain, lassé par la violence de la vie aux Etats-Unis, vient s'installer avec sa jeune et très jolie femme dans le village natal de celle-ci dans le sud de l'Angleterre, pour y vivre paisiblement.
Dès la première scène sur la place du village, la tension s'installe et le spectateur comprend rapidement que ses nerfs vont être mis à rude épreuve. Filmée en cam subjective, on voit, dans la première scène, s'avancer sous les yeux des vigoureux mâles du village, Amy (Susan George), chaque mouvement de son corps met en exergue sa sensualité (long plan sur les seins de la belle esquissés sous son chandail), puis la caméra revient sur David, souriant, mais petit et fragile.
L'ambiance est posée et le malaise va rapidement s'accentuer lorsque l'on découvre que ces mêmes hommes sont en charge des travaux du cottage du couple, passant leur temps à reluquer la belle. On comprend alors rapidement que l'enjeu va dépasser les difficultés d'adaptation de l'Américain dans sa nouvelle vie, lorsque quelques jours plus tard, ce dernier va retrouver le chat de la maison pendu dans un placard, une manière de prouver selon Amy "qu'ils peuvent entrer dans la chambre de ta femme".
C'est ce moment que choisit Peckinpah pour apposer tout son sadisme sur le film: alors qu'un acte de courage du personnage principal aurait pu mettre un terme à la situation, David un peu lâche sympathise avec les ouvriers et ouvre la voie au déchainement de violence qui va suivre.
Retors, le réalisateur nous renvoie à nos propres interrogations (comment aurions-nous agi?), et nous plonge dans un engrenage cauchemardesque où chaque événement devient inéluctable. Le film devient suffocant, d'une violence physique et surtout psychologique inouïe, et ce n'est pas l'acte de courage final, dérisoire dans son timing qui sauvera la situation.
Les Chiens de paille est donc un film sur la sauvagerie humaine, dur, malsain, mais un bon film parce qu'il interroge, interpelle et choque son public. Le film rencontra d'ailleurs un succès public important, expliqué en partie par les informations ayant filtré à propos de l'ambiance épique du tournage : Peckinpah saoul du matin au soir tenta de tuer le producteur, terrorisa Susan George en lui faisant croire [Spoil]
que la scène de viol pourrait être tournée réellement
[Spoil]...
Le mot de la fin à ce charmant réalisateur : « L’homme n’est, en fin de compte, qu’un animal de plus, affamé et plein de haine. »
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Pérégrinations Cinématographiques en 2017 et Les meilleurs thrillers
Créée
le 14 mai 2017
Critique lue 302 fois
10 j'aime
4 commentaires
D'autres avis sur Les Chiens de paille
Quel que soit le sujet qu’il aborde, Peckinpah n’a eu de cesse d’illustrer ce que l’individu peut avoir de plus mauvais : en décapant le glamour des amants criminels dans Guet-Apens, des héros du...
le 22 mars 2017
68 j'aime
4
Sam Peckinpah est vraiment un réalisateur hors du commun. En défiant constamment la chronique par sa manière de dénoncer les faux-semblants acquis par l'Homme civilisé, il peut certainement être...
Par
le 12 mai 2012
54 j'aime
14
Dustin, mathématicien américain, vient s'installer en Cornouailles chez les bouseux, avec sa femme... Neutre et lâche de nature, Dustin va devoir se réveiller pour protéger un tueur d'enfants de la...
Par
le 1 janv. 2011
40 j'aime
7
Du même critique
Jamais peut-être depuis 1938 (et le canular fabuleux d'Orson Welles, qui le temps d'une représentation radiophonique de "La guerre des mondes" sema la panique aux Etats-Unis), une illustration...
Par
le 15 avr. 2024
130 j'aime
23
Accompagné d'une bande annonce grandiloquente, encensé avant même sa sortie par une presse quasi unanime, "The brutalist" se présente d'emblée comme l'œuvre d’un cinéaste malin, notamment par son...
Par
le 10 févr. 2025
100 j'aime
31
Lorsqu’en 2015, George Miller, révolutionnait le film d’action (et le post-apo) avec le sidérant Fury road, certains y voyaient un acte ultime, un chant du cygne magnifique, une œuvre inégalable et...
Par
le 22 mai 2024
94 j'aime
14