Sidérant de beauté
Le dernier film de Tsai Ming-liang est inqualifiable. Les chiens errants est un film terrible et beau, noir portrait du monde des hommes, œuvre d'art profonde et mystérieuse qui vit et résonne en...
Par
le 23 nov. 2013
15 j'aime
6
On pourrait segmenter la carrière de Tsai Ming-liang selon un rythme ternaire : novice, confirmé, expérimenté. Les Chiens errants se classe indubitablement dans cette dernière catégorie. C’est un film de vieux sage, l’œuvre de quelqu’un qui sait ne plus rien avoir à prouver à qui que ce soit. A-t-il raté un seul film, Tsai ? Pas à ma connaissance. Chacun d’eux possède peut-être des failles, des incertitudes, mais elles viennent moins vicier le tableau d’ensemble que leur donner une allure prodigieusement erratique et sublime.
À ceux qui se demanderaient si ce film est une bonne porte d’entrée dans le cinéma du Maître, la réponse serait évidemment « non ». C’est un film exigeant, abstrait au possible, épuré et dégrossi de tout ce qui peut être pensé comme « attractif ». L’épuration guide le travail sur la caméra, le scénario, l’attente d’une narration qui n’arrive pratiquement jamais. Qu’on est loin de la profusion, de la congestion des Rebelles du dieu néon !
C’est un film qui ne ressemble à aucun autre, pardonnez le galvaudage. Contemplatif dans son ADN, pur et puissant, il n’y a là nul travestissement, une absence totale de manifestation intellectuelle. Est-ce possible de ne pas pleurer du début à la fin en regardant ce film ? Pour peu que l’on soit happé par cet extraordinaire exercice d’ascétisme visuel et sonore, rien n’est à même de troubler l’hypnotique succession des scènes à l’écran dans leur nécessité contingente.
Les Chiens errants n’est pas qu’une dénonciation, c’est une authentique expérience prolétaire, l’alpha et l’oméga de la solitude et de la tristesse. L’implosion météoritique d’une réalité sociale dissolvante dont Tsai Ming-liang possède désormais la pleine capacité de moyens pour en saisir toute la violence dépressive. Un chef-d’œuvre absolu qui force à être revu, comme s’il contenait secrètement en lui tout l’ethos de l’existence contemporaine.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films contemplatifs, Les meilleurs films taïwanais, Les meilleurs films de Tsai Ming-liang et Les meilleures pépites méconnues du cinéma
Créée
le 26 févr. 2021
Critique lue 137 fois
D'autres avis sur Les Chiens errants
Le dernier film de Tsai Ming-liang est inqualifiable. Les chiens errants est un film terrible et beau, noir portrait du monde des hommes, œuvre d'art profonde et mystérieuse qui vit et résonne en...
Par
le 23 nov. 2013
15 j'aime
6
Le cinéma de Tsai Ming-liang n’est pas forcément le plus joyeux au monde, mais il franchit ici, avec une certaine insolence, les murs du pessimisme. Dans un geste qui semble emprunté a l’ultime...
Par
le 13 mars 2014
13 j'aime
L’œuvre de Tsai Ming-Liang est caractérisée par des films lents aux longues scènes, souvent tournées en plans-séquences et aux dialogues réduits au minimum. Au fil de ses films le réalisateur...
Par
le 15 mars 2014
7 j'aime
1
Du même critique
Critique de la saison 1 Stranger, de son nom original coréen Secret Forest, nous plonge dans une affaire criminelle atypique dont a la charge un procureur génial qui, à la suite d'une opération du...
Par
le 16 mars 2020
23 j'aime
11
Je ne vais pas y aller par quatre chemins : My Mister est l'une des plus belles séries que j'ai pu voir récemment. L'histoire de la série tourne autour des deux personnages de Park Dong-Hun,...
Par
le 29 mai 2020
22 j'aime
15
Un an après le très surprenant Extracurricular, Kim Jin-min rempile avec un nouveau drama produit par et pour Netflix. Cette fois le bonhomme s’inspire de l’univers des gangs et des stups pour...
Par
le 16 oct. 2021
21 j'aime
1