Le problème des Choses humaines c'est qu'il a compris que les affaires judiciaires de viol, c'était compliqué. Et il filme cette complexité de manière simpliste. On a l'impression de voir un cahier des charges plus qu'un film. Le film veut dénoncer tout ce qui ne marche pas bien dans la chaine pénale et on a l'impression que chaque scène est là pour dire un truc, pour remplir une fonction particulière, pour dénoncer un problème, l'un après l'autre. Et c'en est presque caricatural. Dès le début en fait, avec le gars qui est en fait un gros lourd à envoyer plein de messages à la suite à la fille "RAPELLE MOI" "Ton corps me manque", non mais franchement. Puis on a la prise en charge de la victime par les OPJ, froide au possible, avec toutes les phrases type "vous êtes sûre de vouloir porter plainte, ça n'aboutit que rarement vous savez", etc. Puis la GAV du gars, pareil, il fallait montrer que les questions sont intrusives, que chaque réponse du gardé à vue donnera l'impression que c'est un coupable, donc le film y va avec ses gros sabots et ses grosses questions "mais vous pratiquez la sodomie? vous vous masturbez?" non mais franchement. Dans une première audition de GAV, avant même une mise en examen, l'OPJ va commencer par lui poser des questions sur ce qu'il c'est passé, sur ce qu'il a fait, ce qu'il a dit, pas sur combien de fois il se branle par semaine...
Et c'est pareil pour tout, le comportement du soi-disant "ténor" du barreau qui veut acheter tout le monde, les plaidoiries des avocats au procès qui servent plus à faire la leçon au spectateur qu'à vraiment défendre une victime ou un accusé. On parle de balancetonporc, de la libération de la parole des femmes et de présomption d'innocence... mais on parle quand de la personnalité du gars, de son vrai ressenti, de ses regrets, de ses doutes ?
En fait, à quelques moments, le film laisse entrevoir ce qu'il aurait pu être. Quand le procureur dit qu'il y a deux facettes du gars. Une facette avec l'étudiant modèle, poli, avenant, qui a du succès, et une facette où ses noirceurs prennent le pas, et où il est arrogant, sûr de lui, injurieux, privilégié, sûr de son bon droit sur tout (sûrement parce qu'il est d'un milieu aisé, et que sa vie personnelle le pousse à penser qu'il ne peut rien lui arriver). Mais ça retombe et ça ne va pas plus loin. A quoi ça sert de faire ça ? Est-ce qu'on aurait pas pu faire un vrai film où on explore un peu les noirceurs du gars, où on se demande comment il a pu vriller, s'il s'en est rendu compte lui-même, s'il s'est remis en question, etc. Au lieu de faire la morale sur le tribunal médiatique et les dérives de balancetonporc en ressortant des vieux tweets de la victime...
Ou alors, est-ce qu'on n'aurait pas pu se centrer sur le doute. Et faire affronter les versions des deux protagonistes, les faits tels qu'ils les ont vécu vraiment. Et donc faire affronter deux visions d'un même acte, et essayer de comprendre pourquoi l'un peut avoir une vision différente de la même scène, est-ce que c'est à cause de son vécu, de son imaginaire, de ses projections, de sa socialisation,... Bref apporter de la complexité dans une affaire qui est supposée l'être.
Et puis dire des livres de Georges Bataille qu'ils sont obscènes, quand même... Et que l'autre avocat ne trouve rien d'autre à redire que le poncif Baudelaire. Là encore le cahier des charges, il fallait caser la "cancel culture".
En fait, chaque scène, c'est le cahier des charges de tout ce qui fonctionne mal dans la chaine pénale, condensé en deux minutes.
Et on a l'impression qu'Attal, concentré à vouloir dénoncer tout ce qui ne va pas, a oublié de raconter une histoire.
Alors qu'une histoire de procès où le doute subsiste, c'est passionnant. La Fille au Bracelet de Stéphane Demoustier l'avait fait avec brio, et le spectateur ne savait pas où se mettre, il se faisait une intuition, qui volait en éclat au fur et à mesure du dévoilement des preuves et des témoignages, et il finissait en comprenant toute la difficulté de juger car il pouvait avoir une intuition mais il n'était jamais sûr. Mais là dans les Choses humaines, il n'y a pas vraiment de doute en fait car on ne raconte pas une histoire, on fait de la morale. On parle de sujets de société plutôt que d'une affaire judiciaire.