Adeptes du cinéma de genre et fanatiques d'objets filmiques non identifiés, vous avez dû, tout comme moi, tomber sur cette petite bizarrerie qu'est "Les clowns tueurs venus d'ailleurs" durant votre douce enfance ou votre alambiquée adolescence. Vous qui êtes ici, abandonnez tout espoir, cette critique a pour but de défendre un maximum ce film et en dire du bien, beaucoup même, sur ce que j'estime être la Madeleine de Proust de la comédie horrifique. Maintenant que vous avez franchi et assimilé ce cap d' anti-objectivité primaire, laissez-moi vous démontrer pourquoi ce "Killer Klowns" est génial.
"Les clowns tueurs" (On se la joue courte), est représentatif à lui seul de tout un pan de cinéma de genre, authentique synthèse des films de science-fiction des années 50, ancrée dans la culture des années 80, qui a la particularité, toute singulière voire unique de posséder comme menace, non pas de "vulgaires" aliens, mais des extra-terrestres déguisés en clowns. C'est-y pas beau?
"Les clowns tueurs" est le sacro-saint ultime du film What-The-Fuckesque.
Et pourtant. En dépit de son étiquetage "Nanar", force est d'admettre que "Les clowns tueurs" en est tout sauf un. Il a le goût d'un nanar, il a l'odeur d'un nanar, il a la matière d'un nanar, certes. Mais n'espérez cependant pas un décollage immédiat vers le panthéon du mauvais film sympathique pour la simple et bonne raison que "Les clowns tueurs" est un film qui s'assume jusqu'au bout de son concept, jusque dans sa moindre ligne de dialogue la plus débile soit-elle . (Mais on y reviendra là-dessus).
Il ne s'agit pas non plus d'une comédie nanardesque, dont la distinction avec le nanar réside dans le fait que la comédie nanardesque "vend" sa supposée nullité, l'assume en tant que telle et en joue. Démarche parfois mercantile, car oui, même une comédie nanardesque peut bien se vendre (Exemple: Sharknado), l'intérêt de ce genre de films est à relativiser car ce qui fait l'intérêt d'un nanar, c'est sa médiocrité inavouée et sa prise du premier degré très accentuée par rapport à son concept initial, ses dialogues, ou la réalisation de ses scènes, qui crée un décalage secondaire inconscient au sein de son œuvre, par rapport à la norme cinématographique et rend le film délicieusement surréaliste. Mais il demeure toutefois des comédies nanardesques drôles! (Eh mec! Elle est où ma caisse/ Leprechaun 4: Destination Cosmos)
"Les clowns tueurs" est donc un pastiche du film de science-fiction, dont l'intelligence du synopsis détourne de manière amusante le schéma-type d'une histoire d'extra-terrestre classique dans la veine d'un "L'invasion des profanateurs de sépultures" et dont l'humour réside substantiellement dans les meurtres, particulièrement originaux. Des gags mortels à coups de tarte à la crème acide, de popcorns à têtes chercheuse, ou encore sous la forme d'une ombre chinoise mangeuse d'hommes.
"Les clowns tueurs" est une œuvre grand-guignolesque, une curiosité cinématographique, né d'un mariage éloquent entre horreur et humour. Une comédie Rock'N'Roll (Dont la bande-son est composée par "The Dickies" qui avait œuvré auparavant sur "The Toxic Avenger"), transpirant l'amour du et au genre, réalisée par des fans de ce même genre, pour les fans de ce même genre.
Bien entendu, tout n'est pas aussi rose que la plus appétissante des barbapapas dans ce long-métrage, car certains petits vices viennent entacher cette œuvre. Tout d'abord, le synopsis, d'une simplicité enfantine, sert de dessin à un script limpide composé de dialogues la plupart du temps, moroses et banals. A titre d'exemple, les héros s'arrêtent parfois en pleine action pour se pencher sur des questions existentielles ou pour décrire leurs agissements. Ensuite, le casting n'est pas très nuancé et subtil. Le duo Mike/Debbie ne donne clairement pas dans la finesse et finit sur un surjeu constant. Royal Dano, un habitué des filmographies de seconde ligue de réalisateurs fantômes est en roue libre totale tel un Stephen King qui camperait un redneck pour Romero. Jonh Vernon, lui, est celui qui s'en tire le mieux. Enfin, si "Les clowns tueurs" s'appuie sur des codes, il s'avère que son intrigue est très codifiée voire clichée (Les preuves ont disparu pour le héros qui souhaitait se disculper, le shérif est un enfoiré de la pire espèce, la présence des side-kicks, deux marchands de glaces, complètement...givrés. Etc, etc...). A force de vouloir détourner, il s'est embourbé le bougre.
Mais, encore une fois, je vais me faire l'avocat du diable: Tous ces petits défauts jouent probablement en faveur du charme de l'œuvre. En contrepartie de ces légers couacs, dans le fond, anodins, l'ensemble du film fait mouche: Les costumes sont travaillés et véritablement effrayants, les décors bluffants pour une série B à maigre budget, chaque clown bénéficie d'un soin particulier et de plus, sont très nombreux! , la bande-son y est entraînante et les références au septième art y sont légion. (Notons cette référence très originale de Godzilla en fin de film.)
"Les clowns tueurs" est une série B popcorn jouissive, rythmée, assumée, généreuse et divertissante à souhait. Ses défauts n'entravent pas ses qualités et les frères Chiodo nous offrent là un concept unique et très original (Parce que, oui, ce n'est pas avec un "L'invasion vient de Mars" d'un Hooper en déclin que nous serons comblés). "Les clowns tueurs venus d'ailleurs" est peut-être un film con, oui, je l'avoue, mais entrepris avec intelligence.
Dans le genre, c'est vrai que j'aurais pu vous parler de "Balada Triste" de Álex de la Iglesia qui est une comédie dramatique décalée et quelque peu déjantée, il est vrai, mais l'hétérogénéité de ses péripéties et son mauvais dosage entre premier degré et ton absurde ont fait que je me suis abstenu.
En ce concerne "Killer Klowns", une suite serait prévue pour 2018 mais sa nature et son support demeurent encore inconnus. (Séquelle? Remake? Série TV? Trilogie?) Wait and see...