Les Colons a demandé 8 ans de travail à Felipe Gálvez, qui a bien conscience de n'avoir pas réalisé un premier long-métrage qui respecte "l'histoire officielle" du Chili. La forme du film emprunte d'abord à celle du western, avec les grandes étendues de la Terre de feu et ses trois cavaliers, dont un métis, au service d'un propriétaire terrien sans scrupules, pour dégager une route vers l'Atlantique. Avec sa musique tonitruante, le film insiste sur le grotesque de cette mission de "civilisation" qui consiste surtout à éliminer les autochtones qui ont le malheur de se trouver sur le chemin des défricheurs de territoire. Brutalement, le film fait ensuite un grand pas vers le futur, nous laissant un peu frustrés malgré ses évidentes qualités esthétiques. Et pourtant la suite ne manque pas d'intérêt, avec pour fil rouge le cynisme des plus puissants pour bâtir une nation blanche, y compris au prix d'un nombre incalculable de massacres. Les Colons a tout du film ambitieux et engagé qui semble avoir été envisagé comme une vaste fresque mais, au final, il dure à peine plus de 90 minutes et manque quelque peu de consistance pour traiter son sujet à fond. On se plaint souvent des longueurs excessives des longs-métrages contemporains pour ne pas regretter que, cette fois-ci, une trentaine de minutes en plus, au minimum, auraient été véritablement nécessaires pour densifier l'ensemble du propos.