Quelle forme radicale !
Voilà un film qui montre et qui remet l'image à sa place, en mouvement.
Boulet rouge sur l'identité et la nation.
Tout se joue au détour d'une phrase, d'une action où l'esthétique sert les intentions politiques du réalisateur et pas l'inverse.
On fait tomber les figures, comme celle de la royauté, de l'autorité usurpée par le personnage du Cochon Rouge, rouge comme le sang, rouge comme l'uniforme royal qu'il salit aux confins du monde.
Salir ? C'est tuer un ouvrier blessé au travail car il n'est plus utile pour assembler les clôtures du cheptel du riche propriétaire. C'est abattre de sang-froid des indiens qui ne représentaient pas l'once d'une menace. C'est se faire enculer par une "tante" dans le campement du supérieur en échange d'une femme colonisée dont on pourra abuser.
Le supérieur, le colonel, le fait d'arme, le couronné de gloire qui se permet de tuer d'un pruneau un autre pourceau qui n'est pas un "vrai" écossais... Sur la base de quoi ? Aucune idée mais le colt a tranché la question identitaire.
Et les colonisé(e)s dans tout ça ? Jamais faibles, souvent victimes (au choix : viol, meurtre, esclavage...), mais toujours dignes. C'est dans ce triptyque que se dessine le personnage le plus intéressant et qui sert de boussole au spectateur : le métisse. Mi-blanc, mi-Indien. Enfin surtout Indien embarqué contre son gré pour servir les intérêts du riche propriétaire. Malmené tout du long et partagé entre sa survie (donc faire des trucs de missionnaires blancs) et sa morale ? son humanité ? son identité ? Vous voyez le truc ? C'est ici, dans son laboratoire intime que le spectateur se questionne, rassemble les morceaux et chercher à comprendre ce qu'on lui montre.
Sur cet autel de la laideur, statufiée en contraste par de sublimes plans des grandes étendues sauvages, il ne manquait plus qu'un museau : celui de l'intellectuel. Il se pointe dans la seconde moitié du film, pour racheter la morale de ces terres colonisés avec tant de délicatesse. Et il en prend pour son grade. Faire une belle nation, unie, inclusive ? Tout le monde sous la même bannière. Magnifique.
Et le voilà donc parti pour réécrire l'histoire, laver le drapeau mais surtout choper l'Indien. Pas de la même manière hein. Quoiqu'une petite menace permette d'obtenir une interview du précieux sésame (le métisse) n'est-ce-pas ? Même en paix, toujours quelqu'un pour venir t'emmerder dans ta cahute alors que tu veux juste éplucher des patates et faire ton aïoli loin des traumas.
Ces traumas que l'on devine avec ce dernier plan sur cette femme colonisée, indienne, son beau visage de "peau-rouge", regard au loin, diaphane, qui chercher à quitter la lourdeur de l'instrument qui la flashe pour servir un "idéal".
"BOIS LE THE !"