Je n’ai sûrement pas tout saisi tant l’ouvrage est sportif verbalement mais quelle gymnastique !
J’ai toujours eu des doutes quant aux travaux du père Freud. Cet ouvrage ne vient pas seulement confirmer mes doutes : il vient mettre une gigantesque tarte dans le pif psychatro-idéaliste.
Et avec style ! J’ai dit verbeux mais au service de la littérature : on se retrouve avec des formules d’anthologie au langage fleuri (chier, baiser) mélangeant grands concepts philosophiques associés au jargon de la psychiatrie. En bon spinoziste, on reconnaît bien le monisme ou les affects les plus primitifs d’un corps côtoie les plus hautes sphères de l’esprit.
Bon nos 2 compères peuvent reconnaitre certains traits de génie chez le neurologue autrichien comme sa découverte du ça, de l'inconscient, de la psychose, de a névrose ou encore de l’identification des parents comme vecteurs de pensée.
Simplement, il ne psychanalyse pas ce désir comme un manque ou un refoulement.
Ils optent donc pour la "schizoanalyse" qui permet de maintenir la pensée en mouvement pour suivre et approcher le désir comme une "production". Un "processus" multi-causal qui ne peut pas se rattacher uniquement à la figure d'Oedipe comme le suggère Freud : plus concrètement, on ne peut pas traduire le désir comme un simple manque lié à des frustrations tournant autour de la filiation.
Le duo papa-maman ne sont pas juste des joujous qui se résument à des histoires de ouin-ouin.
Papa-maman, comme moi, c’est aussi des corps, des machines animés par le désir.
Et le désir c’est complexe Messieurs-Dames. C’est une vitalité, une puissance comme dirait Nietzsche, un processus en langage Deuleuzien dont seul la satisfaction y met un terme.
Il naît dans l’atelier de production, l'usine, la "machine-désirante" : nous.
Ce n'est donc pas un théâtre, une représentation idéalisée comme chez Freud, mais une production dans l'atelier des machines désirantes que nous sommes, c'est-à-dire un assemblage complexe, une articulation entre des organes, un corps traversé par des affects, des fluides et des rapports multiples à un autre Corps sans Organes ouvrant sans cesse des clapets, des sas ou des vases communicants ouverts sur nos pensées, notre environnement, la politique...
Car on est en 68 et Deleuze et Guattari ont bien l’intention de jeter des pavés sur tout ce qui peut simplifier la singularité des individus. Ils proposent de dépasser les structures "molaires" (collectif) et les codes rigides c'est à dire la société et la politique pour embrasser la fluidité "moléculaire"(l'individu) et ainsi explorer les multiples facettes du désir.
Leur critique ne se limite pas à la remise en question de la psychanalyse freudienne, elle englobe également une réflexion sur les mécanismes sociaux et politiques qui cherchent à imposer des structures et des hiérarchies rigides. Ils offrent une alternative à ces systèmes en explorant les relations moléculaires, fluides et créatives qui échappent aux structures molaire et paranoïaques.
Pour résumé, la psychanalyse, c’est trop simple, trop familialiste, trop idéaliste… Trop bourgeois. Deleuze et Guattari insistent sur la complexité du désir, en déconstruisant les idées reçues et en proposant une vision plus riche et plus nuancée. Ils mettent en avant les concepts de déterritorialisation et de reterritorialisation pour décrire les mouvements constants et les transformations qui traversent les individus et les collectivités.
Voilà un bouquin de vrais révoltés !