Les spectateurs devraient découvrir ce film en bas âge. Ce fut mon cas, où mon innocence de spectateur me faisait aussi bien ignorer Fritz Lang que les qualités d'un film en général. Pourtant, dès la première vision de ce film, je fus subjugué. Enfant, on est comme davantage attentif à l'ambiance du film, on ne regarde plus les effets de mise en scène mais on juge seulement par son ressenti de spectateur. Adulte, on ne sait plus regarder un film avec les yeux innocents de celui qui vit véritablement le film. Or, lors de la vision des Contrebandiers de Moonflet, j'étais ce jeune Mohune qui découvre un monde qui lui est étranger. On est capté par cette ambiance gothique dès les premières minutes. L'esthétique du film emprunte aussi bien à l'univers enfantin du conte qu'aux peintres romantiques. Lang parvient à créer un univers situé aux confins du réel. Il confronte l'innocence enfantine à la monstruosité de l'être adulte. Cet être corrompu qui a perdu à tout jamais son âme d'enfance. Ainsi dès les premières minutes, le programme est donné, l'adulte à l'issu du film, aussi bien le spectateur que le personnage, doit réussir à retrouver l'âme aventureuse et innocente qui anime ce jeune Mohune. On se retrouve porter par le goût de l'aventure, marque des films de cap et d'épée. Si Lang arrive si bien à nous captiver, c'est dans sa manière de travailler le mystère. Mystère, présent dans les décors, qui paraissent à la fois familiers et inquiétants. On est à la limite de l'idéalisme romantique et de l'esthétique gothique. Mystère, travaillé par le personnage de Jeremy Fox, qui apparaît à la fois comme le bandit repenti en père spirituel, mais aussi en homme qui ne peut pas succomber à ses péchés. Le film est composé de plusieurs couches qui nécessitent plusieurs visions pour comprendre toute la complexité des enjeux. Les Contrebandiers de Mooflet fait partit de ces films qui peuvent être vus à (presque) tout âge, où l'on sait que chaque vision sera une expérience nouvelle. On voit grandir et s'approfondir son regard de spectateur à travers ce film. Enfant, on est captivé par le récit et l'ambiance, ses personnages romanesques et ses décors romantiques. Adulte, on apprécie la musique et la lumière somptueuses ainsi que le travail complexe des personnages.
Dans tous les cas, il n'est jamais trop tard pour découvrir ce joyau du septième art qui montre une fois de plus que le cinéma est bien cet art qui réunit exigence auteuriste et divertissement, touchant tous les publics.

Zedicop
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le 16 avr. 2016

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