- Papa. Tu n'es jamais là.
- Oui. Ça c'est vrai, tu as raison Daniel. Je dois le reconnaître. Je me suis trouvé souvent loin aux moments où vous auriez eu besoin de moi. J'ai manqué aussi un tas de choses. J'ai manqué de voir grandir mes enfants. Aussi, j'y pense tout le temps... Chaque randonnée, je me dis quand elle sera finie... je resterai à la maison... on pourra mieux se connaître tous les trois. Mais avant même qu'une affaire soit terminée, il y en a une autre qui arrive et il faut que je reparte. C'est un nouveau vol de banque. Un nouveau meurtre. Je ne voudrais pas en parlant comme ça avoir l'air de me chercher des excuses. Il n'y a pas d'excuses pour la négligence. Il y en a encore au moins pour les gens qui oublient leurs devoirs.
C'est dur de se conduire comme un homme
Père absent, mère décédée, négligences éducatives, carences affectives, difficile de sortir indemne de l'enfance et de se confronter à la vie lorsqu'on a pour père le marshal J.D. Cahill(John Wayne). Un homme occupé à traquer des bandits dans tout l'Ouest, qu'il sillonne de long en large durant des semaines et qui une fois rentrée de mission accueille avec le sourire ses enfants, qu'il quitte aussitôt pour une nouvelle affaire. Chose que vivent très mal ses deux fils "Daniel" alias "Danny"(Gary Grimes) et "Billy Joe"(Clay O'Brien). Tout enfant idéalise ses parents quel que soit le vécu familial, venant même à se rejeter la faute et à se culpabiliser d'un manque affectif qu'il estime être sa faute. C'est habituellement à l'adolescence qu'il se rebelle et règle ses comptes avec le père. Phase par laquelle passe Danny, qui va embarquer son petit frère dans le braquage d'une banque en s'associant à trois canailles. Une bonne manière d’exprimer sa colère et de punir ce père absent. Une histoire personnelle très profonde axée sur la prise de conscience, les responsabilités, le pardon et le passage à l'âge adulte. Avec "Les Cordes de la potence", le cinéaste Andrew McLaglen réalise un western familial autant dans le fond que la forme en tant que film produit par Michael Anthony Morrison(Michael Wayne). Producteur qui n'est autre que le fils de John Wayne qui pour l'occasion met en avant sa société de production indépendante la "Batjac Productions". Une élaboration qu'il faut peut-être voir comme l'œuvre la plus intime du comédien John Wayne, puisque je soupçonne le récit d'offrir un miroir sur la relation père-fils entre John et Michael.
Les Cordes de la potence est un petit western divertissant doté d'une réalisation soignée offrant quelques beaux décors par Ray Moyer du comté de Jeff Davis au Texas, appuyés par une photographie propre signée Joseph Biroc. La partition musicale d'Elmer Bernstein est appréciable, amenant à la trame une continuité sonore à la fois grave et innocente. L'intrigue principale est intéressante offrant aux enfants un rôle aussi important et présent que celui du père. Une négligence paternelle pour une jeunesse rebelle sur laquelle s'ajoute en sous-texte un message anti-raciste bienvenu. Un postulat ségrégationniste que tiendra maladroitement Danny à l'encontre d'une femme mariée à un Amérindien à laquelle il va manquer de respect en la nommant "Squaw". Mot qui ne passera pas inaperçu auprès de Wayne qui va aussitôt corriger son fils. L'éducation, il n'y a que ça de vrai. Niveau action il ne faut pas s'attendre à grand chose, malgré quelques fusillades sympathiques. C'est avant tout dans son contexte que le récit tire sa force. Ce qui n'empêche nullement de se régaler devant certaines scènes divertissantes comme lors de la virée inquiétante dans le cimetière. Un moment drôle qui se termine en fou-rire pour le spectateur lorsque Wayne essaye de faire peur à ses gosses. Mais aussi, lors de la course-poursuite de nuit sous la pluie pour le petit Billy Joe face aux trois bandits. Un instant à l'atmosphère oppressante savamment mis en boîte. Et encore, lors de la petite confrontation finale où J.D. Cahill, Danny et Billy Joe vont devoir dépasser le stade de la blessure et se pardonner pour pouvoir faire équipe et affronter le danger. À noter, que la conclusion ne va pas dans la tirade facile et égayante puisqu'on ne sait pas ce qu'il va advenir des deux fils, qui vont devoir être jugé pour les crimes commis. Wayne ne pouvant qu'espérer la clémence des juges.
John Wayne sous les traits du marshal J.D. Cahill offre une performance bienveillante qu'il faut tout de même saluer vu les circonstances. Lors du tournage, Wayne alors âgé de soixante-cinq ans, s'était fait retirer quelques mois plus tôt un poumon cancéreux. Sachant, que son autre poumon souffrait d'emphysème pulmonaire. Maladie se caractérisant par une augmentation du volume des poumons entraînant une respiration compliquée et douloureuse. Un affaiblissement important où simplement monter à cheval devient un enfer pour le comédien. Une difficulté à laquelle Wayne fait face envers et contre tout, préférant continuer à jouer devant la caméra plutôt que de rester à la maison à se reposer. Une vaillance qui fait honneur au comédien. Gary Grimes en tant que Danny, présente une incarnation satisfaisante de son personnage affectivement blessé, qui pour capter l'attention de son père braque une banque. Billy Joe son petit frère est mignon tout plein. Le comédien Clay O'Brien offre une performance attachante. Neville Brand sous les traits de "Bec de faucon", un éclaireur à moitié comanche m'a beaucoup amusé. La relation qu'il entretient avec Wayne est avenante, drôle et chaleureuse. Un joli duo. George Kennedy en tant qu'Abe Fraser, le chef des fripouilles, m'a davantage paru comme un méchant idéal pour les enfants avec son approche caricaturale. Il n'en reste pas moins un antagoniste vicieux et impitoyable auquel il ne faut surtout pas tourner le dos. Enfin, Mme Hetty Green par la comédienne Marie Windsor, seul personnage féminin que l'on voit peu et qui aurait mérité plus de temps à l'écran.
CONCLUSION :
Les Cordes de la potence est une réalisation signée Andrew McLaglen, qui offre un western intimiste divertissant concentré (autant sur le fond que la forme) sur la famille. Un film bienveillant dans le récit exposé, égayant dans l'action proposée, revigorant par les comédiens sélectionnés, pour un résultat final attrayant. Une petite aventure dramatique.
À défaut d'être un grand western, ce film reste une ode à la volonté et à la vaillance de John Wayne qui dresse là un périple profondément personnel.
- C'est comme si le bon Dieu et le Diable faisaient un match de lutte dans mon ventre. Et c'est le Diable qui a gagné.
- Le Diable a l'air de gagner à tous les coups. Peut-être parce qu'il y a tellement de monde de son côté.
- Oui. Moi, je le suis pas réellement. C'était seulement pour embêter papa parce qu'il n'est jamais là.