Anecdotique au sein de la filmographie de la réalisatrice japonaise, Les délices de Tokyo ressemble davantage à un film de Kore-Eda (Un Still walking en mode mineur) qu’à ses précédents travaux. Ceci étant, j’ai raté Hanezu et Still the water. Naomi Kawase restera pour moi l’auteur de deux films merveilleux : Suzaku et Shara. Et d’un plus discret mais non moins passionnant, Genpin, qui sur des bases purement documentaire renouait avec son cinéma cyclique où toujours se côtoient la naissance et la mort. Mogari, déjà, m’avait déçu.
C’est un film charmant, dans lequel un homme (au passé trouble, que le récit va éclairer un peu mécaniquement) gérant d’une guinguette qui vend des Dorayakis (Pâtisseries traditionnelles fourrées aux haricots rouges confits) se voit proposer de l’aide par une vieille dame de 75 ans qui va lui apprendre à faire la pâte (Jusqu’ici il ne la faisait pas lui-même) et à « écouter parler le haricot ». Elle va lui apprendre la vie, en somme. Toutes les séquences de préparations culinaires sont très belles, Kawase comme a son habitude observe les gestes, nous fait presque sentir les saveurs.
Les délices de Tokyo aurait sans doute dû s’en tenir à cette approche hypnotique, d’une gestuelle très pure, d’un environnement minuscule – La première partie du film se réduit essentiellement à l’espace intime de cette échoppe. Dès qu’il s’en extraie, soit pour tenter de créer un personnage périphérique (la jeune adolescente) soit pour raconter une sombre histoire de ségrégation de lépreux, soit pour capter les fleurs des cerisiers, les rayons du soleil à travers les branches, le film est plus convenu dans son esthétique et sous les coutures du mélodrame.
Et puis c’est tout un petit programme qu’on voit se dessiner bien trop clairement : On sait d’emblée que les mains de la vieille dame poseront problème, on sait aussi de par son âge qu’elle va mourir ; Quant à lui, mutique, on imagine qu’il transporte, quelle qu’elle soit, le fardeau de la douleur et de la solitude. Trois personnages, trois générations un peu à côté du monde, en somme – Dont on va appuyer l’enfermement par une apparition d’oiseau mis en cage que la vieille dame finira par relâcher, des branches de cerisiers croisées à des câbles électriques. C’est pas le plus subtil des films de Naomi Kawase, on va dire. Ce qui ne l’empêche pas d’être attachant et doux.