Un an après le triomphe critique de Still The Water, Naomi KAWASE est de retour au Festival de Cannes avec son nouveau film : An.
An évolue dans la lignée de Still The Water et s’éloigne encore un peu plus des premiers films quasi-expérimentaux de KAWASE. Ce nouveau long-métrage est en effet le plus mainstream de la filmographie de la réalisatrice ; le dialogue est constant et peu de place est laissée à la contemplation brute. Il ne fait,donc nul doute que ce film saura toucher un plus large public que ses précédents films. Cependant, Naomi KAWASE ne cède pas pour autant à la facilité et livre avec An une œuvre à la hauteur de son talent. Pour ce film, la réalisatrice place son intrigue dans un nouveau cadre : la ville. L’éternelle amoureuse de la nature poursuit le chapitre urbain entamé dans Still The Water, qui arrivait à la conclusion que "la ville a un esprit qu’on ne trouve nulle part ailleurs". Les films de KAWASE ont toujours été des odes à la nature et An nous prouve que la ville aussi est emplie de spiritualité.
Alors que Still The Water abordait le thème de l’adolescence et des rapports que les jeunes adultes entretiennent avec la vie, l’amour et la mort, An se tourne vers la question de la vieillesse et des liens tissés entre plusieurs générations. Dans le film, quatre générations sont représentées : Tokue, une femme de 70 ans cuisinant une pâte an dont elle seule a le secret ; Sentaro, un homme dans la force de l’âge au passé trouble ; Wakana, une adolescente solitaire. La quatrième génération du film n’apparaît que quelques secondes sous les traits d’un jeune enfant auquel l’adolescente raconte une histoire. Ainsi, KAWASE n’oppose pas la jeunesse et la vieillesse selon le schéma habituel où les jeunes ont tout à apprendre des personnes âgées. Ici, chacun a quelque chose à recevoir de l’autre et tout autant à offrir. Elle pose également ici la question de l’héritage et de ce que nous pouvons laisser aux générations futures. Nous héritons de nos aînés, que ce soit pour une recette de famille ou pour un pan d’histoire peu reluisant. Naomi KAWASE place alors le Japon face aux traitements dégradants alors imposés par le pays aux malades de la lèpre durant des années. Stigmatisés, exclus et oubliés, les personnes ayant souffert de la lèpre au Japon vivent encore à l’écart du monde, guéris mais toujours pointés du doigt.
Ce nouveau superbe coup de maître de Naomi KAWASE ne s’offre "que" la compétition Un Certain Regard et repart malheureusement bredouille alors qu’il éclipse complètement certains films de la sélection officielle.
Critique disponible sur Journal Du Japon