J'avais deux craintes en allant voir ce film : qu'il soit limité par son sujet, et qu'il soit trop linéaire.
Elles ont rapidement disparu.


Le rythme, lent au tout début, gagne en intensité par la suite, montrant qu'une fois l'histoire posée elle peut encore se déployer et acquérir une réelle envergure. Les répliques sont de qualité, et suscitent l'effet escompté sans devoir recourir à un pathos outrancier.


L'animisme occupe une grande place dans le film, ce que certaines personnes trouveront naïf ou bien trop attendu, mais cette dimension est traitée avec finesse et tend à rapprocher vie naturelle et vie civilisée à la manière d'un feel-good movie, là où on retrouve généralement des propos culpabilisants sur les activités humaines. La volonté d'être à l'écoute de la multitude des langages induit des passages très musicaux.


Les Délices de Tokyo véhicule une impression d'authenticité et de pudeur qui ne tient pas uniquement à la performance impressionnante des acteurs, mais également à la caméra, souvent fixe et neutre, avec des plans rapprochés. La définition des personnages laisse néanmoins peser le risque de tomber dans l'archétype, et donc d'avoir une sensation de déjà-vu.


La temporalité du film est empreinte de gravité ; le futur accable Sentaro le cuisinier, condamné à se lever tous les matins pour un travail qu'il n'aime pas afin de payer ses dettes, et n'est pas plus indulgent avec la jeune collégienne prisonnière d'une famille peu chaleureuse qui lui laisse peu de perspectives d'avenir. Le passé est tout aussi pesant : la maladie a gâché la vie de Tokue en éloignant ses rêves, et l'âge d'or de la boutique de dorayakis se transforme progressivement en temps révolu...


Finalement, le changement de perspective qu'apporte Tokue sur le travail de Sentaro gagne en importance jusqu'à lui faire comprendre qu'une vie peut être pleinement vécue et réussie malgré un enchainement d'incidents, car les exigences sociales nous torturent et nous font perdre de vue ce que l'on souhaite réellement faire de son existence.


Reposant et profond, c'est une excellente surprise.

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le 7 févr. 2016

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