Adaptation du livre An de Durian Sukegawa, Les Délices de Tokyo est un film tendre et émouvant. Cela se déguste dans la douceur printanière, en observant la nature, pendant qu'une pétale de cerisier se pose sur la pâte des délicieux dorayakis.
C'est mon premier film de Naomi Kawase. Il semblerait que cela soit le plus accessible. Dans tout les cas, cela donne envie de voir ses films précédents, tant ce fût un agréable moment en compagnie de ces trois personnes en marge de la société. Ils représentent trois générations, où l’aînée va transmettre son savoir à un homme en souffrance, sous le regard d'une collégienne à la recherche de repères.
On s'attache instantanément à eux. La gentillesse émanant de Tokue (Kirin Kiki) est contagieuse. Il est impossible de ne pas être attendri par cette dame. On sourit face à ses mots, à son attitude et sa douceur. Elle apporte de l'amour à travers ses haricots rouges confits. Elle ne transmet pas seulement un savoir-faire, mais aussi une bouffée d'air tendre dans la vie de Sentaro (Masatoshi Nagase). Il ne sourit jamais, cachant sa douleur derrière un mutisme qui le ronge depuis trop longtemps. Ce sont deux êtres solitaires, mis de côté par une société qui ne veut plus d'eux. Wakana (Kyara Uchida) est une collégienne, vivant avec sa mère et son canari. Elle ne côtoie pas les filles de son âge et semble à la recherche d'une figure paternelle. Ils étaient fait pour se croiser et s'entendre. le destin fait parfois les choses bien.
"Je crois qu'en mangeant bien, personne ne peut être en colère", Tokue a le sens de la formule. Cette affirmation semble évidente, comme la plupart de ses réflexions, comme lorsqu'elle demande à Sentaro, pourquoi il cuisine un met sucré, s'il ne l'apprécie pas ? Elle fait preuve de bon sens, mais oublie que notre société n'a pas été construite sur la sagesse, mais sur la violence. Ses mains vont trahir son passé et la rumeur va détruire leur tranquillité. Ils avaient construit un havre de paix à l'intérieur de cette échoppe. Mais le bonheur est éphémère, il apparaît puis disparaît comme les nuages naviguant dans le ciel. C'est un mal pour un bien. Les langues vont se délier et les larmes vont avoir un effet bénéfique. Une rencontre peut changer une vie, surtout si on goûte aux délicieux dorayakis de Tokue et Sentaro.
La simplicité du film est apaisante. On se laisse porter par la beauté des plans de Naomi Kawase et le jeu de ces trois acteurs. On découvre aussi la face obscure du Japon, mettant de côté les lépreux. Chaque pays a ses défauts, tout comme l'être humain. Il n'est que le reflet de celui-ci. Le paysage a beau être enchanteur, le malheur n'est jamais loin. Ce n'est pas pour autant un mélodrame, mais une oeuvre porteuse d'espoir. Certes, il y a une forme de naïveté dans cette histoire, mais aussi de sagesse.
Naomi Kawase signe une belle oeuvre. On passe du rire aux larmes et inversement, devant les mots et visages de ces trois merveilleux personnages. La vie est belle quand on mange un dorayaki, mais la réalité finir toujours par nous rattraper et c'est rarement agréable.