L’éclat de rire fatigué qui succède à la déclaration « on est des soldats » donne le ton de ce singulier récit de guerre que propose Les derniers hommes : la fuite dans la jungle d’une dernière colonne de la légion étrangère, emportant loin des hostilités, au crépuscule de la deuxième guerre mondiale, les éclopés et inaptes au combat.
Les ambitions de David Oelhoffen sont assez aisément identifiables : perdre ses personnages dans une nature hostile sur le modèle d’Aguirre ou Apocalypse Now, le tout soutenu par la transcription en voix off du journal du capitaine, soulignant par exemple qu’ « ici, c’est la nature qui commande ». Posture un brin présomptueuse, pour une longue exposition en forme de fuite désorganisée qui se ressent autant pour les personnages que l’écriture. Si le principe de la confusion se justifie, habilement exacerbée par les échanges chaotiques de légionnaires non francophones, l’étirement de ce très long survival lasse assez rapidement, d’autant que le réalisateur doit composer avec un large éventail de personnages qu’il peine à individualiser et équilibrer dans leurs interventions.
Il faudra donc une certaine patience, et la réduction tragique du groupe pour que de réels enjeux dramaturgiques surgissent. Oelhoffen sait pourtant prendre en main la variation des temps, à la faveur d’une embuscade tendue ou d’une libération collective sous la pluie. Mais il diffère trop le duel auquel conduit depuis le départ son intrigue. Même si le sort et le caractère de certains personnages ne sont pas dénués d’intérêt, la redondance des motifs et l’errance d’un convoi ayant perdu son cap achoppe sur une relative artificialité des motifs, le récit ne parvenant à s’ouvrir sur la profondeur philosophique qu’il appelle pourtant clairement de ses vœux.
Le film est néanmoins sauvé dans son épilogue, dans lequel ressurgit l’ambivalence d’un duo qui pourrait incarner le bien et le mal face à la question d’honneur sur laquelle se serait forgé l’engagement dans la légion. Cette question de l’engagement à l’heure où la débandade généralisée rebat les valeurs de la patrie, la hiérarchie et même le sens de la vie humaine trouve enfin une voie d’expression, et parvient peut-être à émouvoir justement parce qu’il est trop tard, et que les ressorts tragiques classiques ne trouvent plus de scène adéquate dans un monde dévasté.