Moro, vache...

J'ai voulu voir ce documentaire (dispo sur youtube) afin de compléter le visionnage du beau film "Bongiorno, Notte" de Marco Bellocchio, et je dois dire que "Les derniers jours d'Aldo Moro" a parfaitement rempli sa mission, d'abord grâce à son aspect factuel et généraliste.

Mais ce docu tv passionnant, issu de la collection "Les derniers jours d'une icône" initiée par France 5, ne se contente pas de récapituler les faits de manière claire et rigoureuse, il révèle en outre un "scoop" tardif qui lui confère une sacrée valeur ajoutée.

Une trentaine d'années après les faits, le français Emmanuel Amara obtient en effet le témoignage de Steve Pieczenik, chef-négociateur de la CIA (sollicitée par l'Italie à l'époque), qui confirme que des négociations avec les terroristes n'ont en réalité jamais été entamées, Aldo Moro ayant été sacrifié volontairement par la classe politique, afin de discréditer définitivement les Brigades Rouges dans l'opinion publique, tout en renforçant l'Etat italien - sévèrement ébranlé durant cette époque troublée.

Cette thèse est confirmée par un poids lourd de la politique italienne : Francesco Cossiga, brutalement promu chef du gouvernement au moment des faits. Jusqu'alors ministre de l'Intérieur et second de Moro au sein de son parti Démocratie Chrétienne, Cossiga voit son pouvoir élargi à partir de l'enlèvement, et devient l'un des principaux décisionnaires.

Il n'hésite pas alors à sacrifier son ami au nom de la raison d'Etat : avec le recul, Cossiga et Pieczenik assument complètement leur décision, même si le premier nommé concède quelques remords d'ordre intime.
Quoi qu'on puisse penser de cette realpolitik à la sauce italo-américaine, on est surpris par la franchise de ces témoins privilégiés, qui auraient pu aisément se retrancher dans le silence.

"Les derniers jours d'Aldo Moro" est donc un documentaire assez fascinant sur les les années de plomb en Italie, qui pourra aussi bien combler les plus ignorants de l'affaire Moro, qu'intéresser les spectateurs mieux informés sur le sujet. Voilà 52 minutes bien investies à mon avis.