Sorte de Cercle des Poètes disparus à l’irrévérence imbibée de whisky, Richard Says Goodbye réussit, pendant sa première heure, à construire un personnage de professeur mourant aussi détestable qu’attachant, la qualité de l’interprétation de Johnny Depp y contribuant à coup sûr. Suivre Richard dans une errance qui prend l’aspect d’un règlement de comptes avec le monde entier s’avère plutôt jubilatoire, notamment lorsque c’est la cellule conjugale – et familiale – qui essuie les coups : il faut voir cette scène très drôle au cours de laquelle mari et femme se shootent aux cachets vendus sur ordonnance pour casser des bibelots dans le salon. En outre, les sujets de société aujourd’hui délicats sont joyeusement giflés : le féminisme aussi massif que la statue en forme de phallus géant qu’érige Véronique dans les jardins de l’université, la conscience professionnelle, l’homosexualité, la sacralité de la mort, tout cela est envoyé bouler avec un plaisir coupable.
Néanmoins, le long métrage n’échappe pas aux retournements mélodramatiques des plus convenus, faisant passer les irrévérences antérieures pour des écarts de conduite divulguant mal l’agonie d’un homme en proie à la maladie. Aussi la séquence de dîner diffuse-t-elle un hédonisme de pacotille : Richard se repent avant de prendre la route, prenant en otage l’assemblée comme il prend en otage le spectateur. Tout rentre dans l’ordre de manière trop sage, l’éclipse est trop polie pour être honnête. En dépit d’adieux touchants entre un père et sa fille, Richard Says Goodbye reste un film superficiel dont le scandale n’est qu’un registre parmi d’autres. Mais Johnny Depp assure le show, alors on fonce.