Le corps comme dernier barrage...
L'histoire est intéressante : un homme part sur les chemins alors que des catastrophes naturelles accablent le monde , telles les plaies d'Egypte, et que la guerre nucléaire est imminente. Robinson est à la dérive, ayant lâché son couple en faveur d'un amour passionné pour une jeune femme rebelle, qu'il a perdu depuis. Les derniers jours du monde le laissent indifférent et seule sa passion pour son amante se rallume au sein du désastre.
Le film est très à l'aise dans sa façon de faire allusion à l'apocalypse en quelques images bien placées, de plan vigi-pirates ,d'hommes en combinaison anti-radiation, de mort rampante un peu partout. Et l'inquiétude collective est bien rendue avec peu de moyens. L'histoire personnelle de Robinson (Matthieu Almaric) est presque dissonante par sa force émotionnelle dans le désarroi ambiant. Confusion des sentiments, couleurs chatoyantes du passé, tragédie du présent, voilà le cocktail de l'intrigue, nourrie des nombreux aller-venues entre passion et résignation. Cette caméra qui suit les deux héros (Frot et Almaric) au sein d'une foule en panique, éclaire tout à fait le contraste entre histoire et Histoire. Il y a de nombreux personnages secondaires dans cette intrigue, qui tous illustrent une attitude particulière face à l'adversité (fuite, suicide, résistance, etc..), face à la surprenante liberté aussi ...
Almaric joue très bien le jeu. On lui demande d'être indifférent au sein de la panique (très bonnes scènes en Espagne, à Toulouse ou dans une orgie aristocratique...) et passionné au sein de l'apathie et je dois dire qu'il m' a scotché. Catherine Frot joue une dame bourgeoise que la catastrophe libère de ses chaines et dont la passion soudaine et désespérée est une gène presque comique pour le pauvre Robinson. Karin Viard, elle aussi joue un retour de flamme torride sur fond d'émeute et de missiles... Etonnant mais anecdotique pour ces actrices.
Il est en effet beaucoup question de baiser ici, de cette compulsion sexuelle qui explose face à l'inévitable et qui saisit le monde entier . "C'est fou comme on baise quand tout va mal..." Orgies, corps dénudés, copulation partout, le film saisit cruellement le désespoir de l'organique face au néant. Heureusement qu'il y est aussi question d'amour...
Le film est ambitieux, le personnage de Almaric intéressant dans ce dernier périple initiatique et dans son obsession, mais les péripéties un peu trop foisonnantes. Et, si le détachement de Robinson est , je l'ai dit, très bien joué, il finit insidieusement par gagner celui qui regarde...Ce qui empêche le film de vraiment prendre corps est peut-être cette overdose de schémas qu'il propose, justement. On hésite entre s'intéresser à Robinson ou au contexte. Beaucoup de plans se télescopent sans grâce, et le film distille sans cesse le soupçon que juste en dehors de l'image se passe quelque chose de bien plus intéressant, ce qui, il faut l'avouer, est quand même embêtant...
Je vous le recommande car c'est inhabituel pour un film français de s'attaquer à ce sujet, et les performances d'acteurs, sans être extraordinaires, font justice à un scénario complexe et accrocheur.